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Sujet 24. Composition : « La République et les religions »

22 Août 2017 , Rédigé par Laurent Boscher Publié dans #1. SUJETS CORRIGES

Sujet 24. Composition : « La République et les religions »
INTRODUCTION

Présentation. La République, en France, désigne un régime dans lequel les représentants politiques, démocratiquement élus par une majorité de citoyens, doivent prendre en considération non seulement l’intérêt général du plus grand nombre, mais aussi les intérêts propres des minorités ethniques ou religieuses. Sur le plan cultuel, la République, au nom de sa devise "Liberté, Egalité, Fraternité", doit veiller à la libre pratique religieuse, tout en assurant une stricte égalité entre les croyances.

Problématique. Comment, depuis 1870, la République française, devenue laïque, s’efforce-t-elle de respecter la liberté religieuse et l’égalité entre les cultes ? Comment, en France, les relations entre la République et les religions ont-elles évolué depuis le XIXe siècle ?

Plan. Entre 1870 et nos jours, les relations entre la République et les religions ont fortement évolué : elles ont été souvent conflictuelles sous la IIIe République, jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale ; elles sont devenues plus pacifiques à partir de 1945, sous les IVe et Ve Républiques.

 

DEVELOPPEMENTS

[I] En France, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les relations entre la République et les religions sont souvent conflictuelles ; en tout cas avec l’une d’elles, la religion catholique.

[A] Il faut dire que, au moment où la IIIe République voit le jour, le statut reconnu à la religion catholique est moins favorable que par le passé. En 1789, déjà, sous la Révolution française, la religion catholique perd son privilège de « religion d’Etat » pour épouser celui, plus modeste, de « religion de la majorité des Français ». Depuis la Révolution française, la religion catholique n’est plus la seule permise ; tous les cultes peuvent être librement pratiqués. Néanmoins, jusqu’à l’avènement de la IIIe République, la religion catholique, parce qu’elle est la plus pratiquée, et aussi parce que la France est considérée depuis Clovis comme « la fille aînée de l’Eglise », demeure avantagée par rapport aux autres. L’Etat respecte les fêtes religieuses, conserve les symboles catholiques dans l’espace public (crucifix dans les tribunaux), impose l’ouverture des séances de l’Assemblée nationale par une prière collective, confie les malades des hôpitaux à du personnel chrétien. En vertu du Concordat de 1801, signé entre la France et la Papauté, les religieux catholiques, considérés comme des fonctionnaires, sont rémunérés par l’Etat, également chargé de l’entretien des églises, tandis que, à la faveur de la loi Falloux de 1850, l’enseignement privé catholique, au même titre que l’enseignement public, est financé sur les fonds de l’Etat. Ainsi, en dépit de la déchristianisation de la France depuis 1789 et de la sécularisation de la société française tout au long du XIXe siècle, l’Eglise catholique conserve une place de choix par rapport aux autres religions, abandonnées à elles-mêmes. A partir de 1879, c’est-à-dire à partir du moment où les républicains, vainqueurs des royalistes, du fait de la mort du comte de Chambord et de l’élection de Jules Grévy à la présidence, prennent véritablement en main les rênes de la République, l’Eglise catholique descend de son piédestal et perd un à un les privilèges qu’elle était parvenue à conserver depuis la Révolution française. De fait, les relations entre la République et l’Eglise se détériorent.

[B] Pendant la Belle Epoque (1870-1914), les lois anticléricales se succèdent. Parmi elles, au cours de la seule décennie 1880 : la suppression du repos dominical obligatoire (1880) ; l’abolition du caractère confessionnel des cimetières (1881) ; la laïcisation des écoles (1882) ; le rétablissement du divorce (1884) ; l’abolition des prières parlementaires (1884) ; la laïcisation du personnel de l’enseignement public (1886) ; la laïcisation des obsèques, des hôpitaux et des tribunaux (1887). En 1892, pourtant, le pape Léon XIII, dans un souci d’apaisement, appelle tous les catholiques au Ralliement à la République. Mais le début de l’affaire Dreyfus, en 1898, ravive les hostilités : les anticléricaux (républicains) se rangent plutôt du côté dreyfusard, tandis que les catholiques (royalistes) se comptent plutôt du côté antidreyfusard. Quatre ans plus tard, avec l’accès au pouvoir des radicaux, le fossé entre la République et les catholiques se creuse un peu plus encore. Non seulement parce que, en 1905, éclate la célèbre « affaire des fiches », aux termes de laquelle, sur ordre d’Emile Combes, président du Conseil, les militaires catholiques, tous fichés, voient leur carrière ralentie. Mais surtout parce que, à l’initiative du même Emile Combes, sont successivement adoptés, en 1905, la loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat, et, en 1906, l’ordre de recensement des biens de l’Eglise. Alors que, selon la loi de 1905, la République déclare mettre un terme à la prise en charge financière de l’Eglise catholique par l’Etat, en 1906, l’ordre gouvernemental de procéder au recensement de tous les biens appartenant à l’Eglise provoque de nombreux conflits et donne naissance à ce que l’on appelle la « crise des inventaires ». Voilà pourquoi, depuis 1904, avant même l’adoption de la loi de séparation, les relations diplomatiques entre la France et la Papauté sont officiellement suspendues.

[C] En 1914, le début de la Première Guerre mondiale, au nom de l’Union sacrée entre tous les Français, apaise les relations entre la République et l’Eglise. De fait, pendant l’entre-deux-guerres, les liens entre le Temporel et le Spirituel se resserrent. En 1921, les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège sont même restaurées. En 1923, l’Alsace, redevenue française en 1918, après avoir été allemande entre 1871 et 1918, conserve le régime concordataire. En 1924, le pape accepte la loi de 1905. En 1926, le pape Pie XI condamne le journal de Charles Maurras, L’Action française, quoique monarchiste et catholique. Tandis que, pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que le gouvernement de Vichy multiplie les atteintes à la laïcité, par solidarité avec l’Eglise, sans remettre en cause la loi de 1905, le pape Pie XII, en 1944, passe de la simple condamnation des régimes totalitaires à l’adhésion sans réserve à la démocratie libérale. L’Eglise, après l’avoir longtemps combattue, est ainsi devenue, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une alliée de la Démocratie, et donc de la République.

[II] En France, après la Seconde Guerre mondiale, sous les IVe et Ve Républiques, les relations entre la République et les religions sont devenues plus pacifiques.

[A] La Constitution de 1946, pourtant, définit la France comme une « République laïque ». Mais la tolérance religieuse est de mise. En 1948, la IVe République permet aux religions de diffuser des émissions à caractère religieux dans les médias publics, tandis que, en 1951, les lois Marie et Barangé permettent aux familles qui choisissent l’école privée de bénéficier d’aides, sous forme de bourses et d’allocations scolaires. La Constitution de 1958, elle aussi, définit la France comme une « République laïque » qui « respecte toutes les croyances ». De fait, en 1959, la loi Debré autorise la création d’écoles privées sous contrat. Selon celle-ci, le financement des écoles confessionnelles peut être pris en charge par l’Etat, à condition que l’école s’engage à dispenser un enseignement assuré par du personnel public, respectueux des programmes et des horaires imposés par la République.

[B] C’est à cette loi qu’Alain Savary, ministre socialiste de l’Education nationale, tente de s’attaquer en 1984. Plutôt que de poursuivre le financement de l’école privée par l’Etat, laisse-t-il entendre, autant réserver les fonds publics aux écoles publiques. Résultat : au mois de juin 1984, une grève massive des défenseurs de l’école libre, c’est-à-dire privée, contraint Alain Savary à retirer son projet. Dix ans plus tard, en 2004, mais cette fois-ci dans le sens opposé, c’est le centriste François Bayrou, ministre de l’Education nationale, qui est contraint de retirer son projet sous la pression de la rue, indisposée par la possibilité offerte aux communes d’augmenter les subventions municipales consenties aux écoles privées. On le voit, les tensions qui parfois peuvent persister entre la République et l’Eglise concernent un secteur principal : l’enseignement, parce que c’est le domaine qui forme les citoyens (et donc les électeurs) de demain. Pour le reste, depuis le concile de Vatican II (1962), qui défend les valeurs de la démocratie et de la tolérance, l’Eglise catholique ne constitue plus une menace. Elle semble s’être fondue dans le moule de la République et de la Laïcité. En 2005, le pape Jean-Paul II lui-même, lors des célébrations du centenaire de la loi de 1905, n’admettait-il pas le bienfait de la laïcité de l’Etat pour l’Eglise catholique ?

[C] Peut-être est-ce pour cette raison que, aujourd’hui encore, loin devant les 27 % de Français qui déclarent n’appartenir à aucun culte, le catholicisme demeure la religion de la majorité des Français (60 %). L’église catholique, néanmoins, a perdu une grande partie de son emprise sur la société. Le nombre de prêtres a été divisé par deux de 1960 à 2007 (de 50.000 à 26.000). Aujourd’hui, moins de 10 % des catholiques assistent au moins une fois par mois à la messe dominicale (messalisants), contre 32 % en 1946. La plupart des catholiques sont devenus des pratiquants « saisonniers », pour lesquels les rites religieux se réduisent aux grands événements familiaux (baptême, mariage, enterrement) et à la célébration des grandes fêtes (Noël, Pâques). à peine plus de la moitié des enfants (52 %) sont aujourd’hui baptisés, contre 92 % en 1960.

L’islam, avec 6 millions de fidèles, constitue la 2e religion de France (8 %). Les musulmans, longtemps regroupés dans des associations liées à leur pays d’origine, entre lesquels régnait un esprit de rivalité (Maroc et Algérie, notamment), ont retardé la création d’instances représentatives. Institué en 2002, le Conseil français du culte musulman doit contribuer à faire de l’« islam en France » un « islam de France » : les imams ne seraient alors plus majoritairement étrangers mais français et le financement du culte moins international que national. Le dynamisme de la communauté musulmane française, en tout cas, contraste avec l’évolution des autres religions. En France, en effet, l’islam, sunnite pour l’essentiel, apparaît moins affecté par la sécularisation de la société qui touche les autres religions. Son influence reste grande sur ses fidèles. Croyance et pratique augmentent même parmi les jeunes : 20 mosquées et lieux de prière sont dénombrés en 1970 contre 2000 en 2008. Pour les islamistes, cependant, c’est-à-dire pour les musulmans extrémistes, appelés aussi intégristes ou fondamentalistes, la République ne fait jamais assez, en particulier lorsqu’elle proscrit, dans l’espace public, les prières de rue ou encore le port de la burqa et du niqab (2010).

Le protestantisme, autre branche du christianisme, comme le catholicisme, regroupe près d’un million de fidèles (2 %). Les protestants, comme les catholiques, se détachent eux aussi des institutions religieuses et renoncent peu à peu à la pratique régulière de leur culte, même si l’essor récent des mouvements évangélistes contredit quelque peu cette évolution. A l’inverse de leurs « cousins » catholiques, toutefois, les protestants témoignent souvent d’une approche plus libérale des questions de mœurs.

Les effectifs de la communauté juive, renouvelés à la fin des années 1950, par l’arrivée des juifs d’Afrique du Nord, sont passés de 200.000 en 1945 à 600.000 de nos jours (0,5 %). Le Consistoire, créé en 1808, et le CRIF, fondé en 1943, représentent la communauté auprès des pouvoirs publics. C’est une communauté hétéroclite, au sein de laquelle les ashkénazes coexistent aux côtés des séfarades et les pratiquants aux côtés des croyants et des agnostiques (qui ne reconnaissent ni ne contestent l’existence de Dieu).

Enfin, la France, depuis les années 1970, et l’afflux d’immigrés asiatiques, doit aussi compter avec une communauté de 800.000 bouddhistes (1,5 %), dont le chef spirituel, le dalaï-lama, très populaire auprès des occidentaux, incarne la jovialité du faible (Tibet) contre la tyrannie du fort (Chine).

Au fond, seules les sectes, dont certaines revendiquent le statut de religion, à l’image de la scientologie, continuent à éprouver le mépris de la République qui, en 2001, a adopté une loi destinée à lutter contre les dérives sectaires de certains groupements religieux, adeptes du suicide, du viol, du harcèlement, de l’endoctrinement et de l’escroquerie.

 

CONCLUSION

Fermeture. La République, depuis 1870 jusqu’à aujourd’hui, a, au nom de la laïcité, fait évoluer le statut des religions : d’une part, en les excluant de la sphère publique pour les cantonner à la sphère privée ; d’autre part, en imposant entre elles une stricte égalité.

Ouverture. Les "guerres de religions" entre la République et ses cultes sont-elles définitivement terminées pour autant ? En un temps où les replis communautaires gagnent du terrain et où la religion constitue le refuge identitaire de certains désœuvrés, la République ne doit-elle pas craindre l’embrasement des passions religieuses, sur les braises desquelles d’aucuns, partisans du choc des civilisations, ont tout intérêt à souffler ?

 

PLAN

 

I - Des relations conflictuelles sous la IIIe République

A - La remise en cause du rôle de la religion depuis la Révolution française

B - Des tensions vives pendant la Belle Epoque

C - Une période d’apaisement à partir de la Première Guerre mondiale

II - Des relations pacifiées sous la IVe et la Ve République

A - L’union sur le plan politique (démocratie, république, laïcité)

B - La division sur le plan social (famille, école)

C - La situation des principales religions pratiquées en France

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