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Sujet 25. Composition : « Gouverner la France depuis 1946. Etat, gouvernement et administration »

22 Août 2017 , Rédigé par Laurent Boscher Publié dans #1. SUJETS CORRIGES

Sujet 25. Composition : « Gouverner la France depuis 1946. Etat, gouvernement et administration »
INTRODUCTION

Présentation. Gouverner un pays, en l’occurrence la France depuis 1946, suppose la réunion de trois institutions distinctes, quoique liées entre elles : d’abord, un Etat, défini comme l’autorité à laquelle est soumise la population résidant sur un territoire donné ; ensuite, son gouvernement, constitué du personnel politique élu pour prendre les décisions conformes aux choix de la majorité des citoyens ; en dernier lieu, son administration, composée du personnel administratif nommé pour préparer et exécuter les décisions prises par le personnel politique en charge de la direction de l’Etat. Cet Etat, dirigé par un gouvernement et une administration, peut être conçu selon un modèle interventionniste (Etat acteur) ou libéral (Etat arbitre).

Problématique. Comment, en France, le rôle de l’Etat a-t-il évolué depuis 1946 ? Le gouvernement et l’administration de la France s’inscrit-il dans la permanence (héritages) ou dans la rupture (évolutions) ?

Plan. En fait, le gouvernement et l’administration de la France par l’Etat a connu trois périodes : la première, comprise entre 1946 et 1958, correspond à celle de l’Etat-providence, au cours de laquelle est instauré un Etat interventionniste sous la IVe République ; la seconde, comprise entre 1958 et 1974, correspond à celle de l’Etat gaullien, au cours de laquelle le rôle de l’Etat est renforcé ; la troisième, comprise entre 1974 et nos jours, correspond à celle de l’Etat libéral, au cours de laquelle l’omnipotence du rôle de l’Etat est remise en cause.

 

DEVELOPPEMENTS

[I] Entre 1946 et 1958, sous la IVe République, est instauré un Etat interventionniste, appelé aussi Etat-providence. En 1945, en effet, après la Seconde Guerre mondiale, du fait de la grande vulnérabilité de la France et des Français affaiblis par six années de conflit, le choix est fait d’instaurer un Etat dirigiste. Le but est de permettre à l’Etat de jouer un rôle d’acteur plutôt que de spectateur dans la reconstruction du pays et la relance de l’économie. Dans cette perspective, un régime parlementaire est mis en place, une haute fonction publique est formée sur de nouvelles bases, tandis que l’Etat lui-même reçoit des missions élargies.

[A] En 1946, l’Etat, via sa Constitution du 27 octobre, adopte un régime parlementaire. Un régime parlementaire désigne un régime politique à l’intérieur duquel le pouvoir législatif l’emporte sur le pouvoir exécutif. Sous la IVe République, les deux présidents qui se succèdent, Vincent Auriol (1947-1954) et René Coty (1954-1958), élus pour 7 ans par les deux Chambres, ont moins de pouvoir que les parlementaires de l’Assemblée nationale (élus au scrutin proportionnel) et du Conseil de la République (autre nom du Sénat). La IVe République, de fait, est un régime instable. Le pouvoir suprême, en effet, au lieu d’être confié entre les mains d’un seul homme (régime présidentiel), choisi parmi un petit nombre de partis politiques (scrutin majoritaire), est partagé entre 619 députés (régime parlementaire), originaires d’une multitude de partis (scrutin proportionnel), qui s’arrangent entre eux pour former le gouvernement et nommer le président du Conseil. Résultat : entre 1946 et 1958, pas moins de 21 gouvernements se succèdent. C’est cette instabilité ministérielle chronique, source d’inefficacité, qui précipite la mort de la IVe République. Son incapacité à trouver une issue à la guerre d’Algérie, commencée en 1954, lui coûte la vie après la « crise du 13 mai ».

[B] En 1946, la IVe République donne également naissance à une haute fonction publique formée sur de nouvelles bases. En 1945, en effet, après la Seconde Guerre mondiale, dans le but d’améliorer le fonctionnement de l’Etat, mais aussi dans celui d’élargir le recrutement sociologique de la fonction publique, alors réservé aux élites sociales, le GPRF, ancêtre de la IVe République, crée les Instituts d’études politiques (IEP) et l’Ecole nationale d’administration (ENA) : les premiers (IEP), dans l’esprit des concepteurs de la réforme, dont Michel Debré, politiquement proche du général de Gaulle, devant mener les plus brillants vers la seconde (ENA), afin que les meilleurs étudiants entrent au service de l’Etat une fois leurs études achevées. Dans la pratique, un nombre croissant d’énarques, après avoir exercé au titre de hauts fonctionnaires dans l’un des grands corps de l’Etat (Conseil d’Etat, Cour des comptes, Inspection générale des Finances, Corps préfectoral, Corps diplomatique), quittent leur administration d’origine pour se lancer dans une carrière politique : souvent, d’abord, au titre de collaborateur d’un cabinet ministériel ; parfois, ensuite, au titre d’élu local, voire pour les plus ambitieux à celui de ministre, chef du gouvernement et même chef de l’Etat.

[C] La IVe République, enfin, confie, à partir de 1946, des missions élargies à l’Etat. Celles-ci concernent trois secteurs auxquels l’Etat était resté largement étranger jusqu’alors : l’économie, le social et la culture. Sur le plan économique, la mise en place de l’Etat-providence est concrétisée par l’adoption de deux décisions majeures : d’une part, la planification, laquelle consiste via un commissariat général au Plan dirigé par Jean Monnet à orienter le développement de l’économie française conformément aux objectifs définis par le gouvernement ; d’autre part, la nationalisation des grandes entreprises, laquelle consiste à faire racheter par l’Etat des firmes appartenant aux secteurs vitaux de son économie (EDF-GDF pour l’énergie, Air France pour les transports). Sur le plan social, la mise en place de l’Etat-providence est concrétisée par la création de quatre grandes institutions : la Sécurité sociale, les comités d’entreprise, les HLM et le SMIG (devenu SMIC en 1970). Sur le plan culturel, enfin, la mise en place de l’Etat-providence se traduit par son intervention dans le secteur de l’éducation et des loisirs, comme en témoignent la décentralisation théâtrale ou encore la création du Centre national de la cinématographie (CNC).

[II] Entre 1958 et 1974, au début de la Ve République, le rôle de l’Etat est renforcé : on parle d’Etat gaullien. Celui-ci, marqué par les présidences successives de Charles de Gaulle (1958-1969) et de son successeur Georges Pompidou (1969-1974), se caractérise par la mise en place d’un régime présidentiel, par l’entrée en politique de la haute fonction publique et aussi par l’extension des missions de l’Etat.

[A] La Ve République, fondée par le général de Gaulle en 1958, via la Constitution du 4 octobre, est un régime présidentiel. Un régime présidentiel désigne un régime politique à l’intérieur duquel la prééminence revient au pouvoir exécutif et le second rôle au pouvoir législatif. En 1958, en effet, quand il revient au pouvoir, après s’être retiré des affaires pendant 12 ans (1946), le général de Gaulle pose comme condition à son retour : l’abolition de la IVe République, au sein de laquelle le pouvoir appartenait essentiellement aux députés, et la proclamation d’une Ve République, où l’essentiel du pouvoir serait confié au président de la République. De fait, à l’inverse de celle de 1946, la Constitution de 1958 donne la primauté à l’Exécutif sur le Législatif et, au sein de l’Exécutif, elle accorde la prééminence au président de la République sur son Premier ministre. Sur le plan législatif, les députés de l’Assemblée nationale sont désormais élus pour cinq ans, au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, gage de stabilité, contrairement au scrutin proportionnel, cause d’instabilité, alors que les sénateurs sont élus pour neuf ans par un collège électoral exclusivement formé d’hommes politiques (députés, conseillers régionaux, généraux et municipaux). Sur le plan exécutif, le président de la République, clef de voûte de la Ve République, originellement élu pour 7 ans par un collège de 82.000 grands électeurs (tous hommes politiques), devient l’élu du peuple à la faveur de la réforme constitutionnelle de 1962 : depuis lors, le président de la République n’est plus élu au suffrage universel indirect par des hommes politiques, il l’est désormais au suffrage universel direct par tous les citoyens français (28 millions en 1962). Le président de la République, en vertu de la Constitution gaullienne de la Ve République, devient ainsi le personnage principal de l’Etat.

[B] Sous la Ve République, le rôle de la haute fonction publique est également accru. Les hauts fonctionnaires, formés dans les grandes écoles, pour devenir les grands commis de l’Etat, sont au cœur du pouvoir gaullien. Les technocrates, comme on les appelle parfois, ne se contentent plus de peupler majoritairement les cabinets ministériels. Ils accèdent dorénavant à des postes importants, notamment ministériels, pour mettre en œuvre les décisions du président de la République. Souvent issus de Sciences Po (IEP) et de I’ENA, ils sont incités à se présenter aux législatives afin d’être légitimés par le suffrage universel, puis nommés à des postes gouvernementaux. Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et plus tard François Hollande incarnent, au plus haut sommet de l’Etat, cette nouvelle génération d’hommes politiques issus de la haute administration. Quant aux experts, pour la plupart ingénieurs issus des écoles Polytechnique ou Centrales (Ecole des Mines, Ecole normale supérieure), ils peuplent en nombre les ministères, conseillent dans l’ombre les décideurs politiques, mais sont plus rarement promus que les hauts fonctionnaires à des postes gouvernementaux. On les trouve davantage à la tête des grandes entreprises publiques, où ils relaient l’action de l’Etat et où leurs compétences techniques sont mises au service des ambitions réformatrices du pouvoir.

[C] Sous la Ve République, enfin, en tout cas entre 1958 et 1974, les missions confiées à l’Etat sont élargies. Sur le plan économique, de Gaulle puis Pompidou reprennent à leur compte le rôle central accordé à l’Etat dans la direction du pays par la IVe République, comme en témoignent la création de grandes entreprises nationales (Elf, pour le pétrole en 1964) et le lancement de grands projets gouvernementaux (Concorde, pour l’aviation en 1962). Sur le plan social, outre le maintien des institutions créées sous la IVe République (Sécurité sociale, comités d’entreprise, HLM, SMIG), les missions confiées à l’Etat par le pouvoir gaullien s’étendent, de surcroît, à la santé (création des CHU, 1958) et à l’enseignement supérieur (loi Faure réformant l’université, 1969). Sur le plan culturel, l’Etat, soucieux de renforcer son emprise sur ce secteur, crée, en 1959, un ministère des Affaires culturelles confié à un écrivain célèbre, André Malraux, protecteur en titre des arts et du patrimoine français. Sur le plan territorial, enfin, l’Etat hérite d’une nouvelle mission, l’aménagement du territoire, afin de corriger les inégalités régionales (création de la DATAR), d’encadrer le développement des agglomérations (création des métropoles d’équilibre) et de moderniser les modes de transports (RER en région parisienne, ZIP à Dunkerque, aéroport international à Roissy).

[III] A partir des années 1970, le rôle de l’Etat est remis en cause. Cette remise en cause tient à trois raisons principales : l’essor des théories libérales, la concurrence de l’UE et l’émergence des collectivités territoriales.

[A] Le rôle de l’Etat est d’abord remis en cause en raison de l’essor des théories libérales. Celles-ci, contrairement aux théories keynésiennes, favorables à l’interventionnisme étatique, considèrent que l’Etat n’est pas la solution, mais le problème. L’Etat, selon les principes anglo-saxons du New Public Management, doit, par souci d’économie, mais aussi d’efficacité, se borner aux fonctions régaliennes (justice, défense, diplomatie) et se désengager des secteurs, notamment économiques et sociaux, dans lesquels sa présence n’est pas vitale. Au cours des années 1970, cette théorie rencontre un succès d’autant plus vif que le choc pétrolier de 1973 et la crise économique mondiale que celui-ci provoque mettent fin à la période des Trente Glorieuses (1945-1973). C’est sous la présidence de Giscard (1974-1981) que, pour la première fois en France, le libéralisme s’impose. A partir de 1976, est ainsi mise en place une politique d’austérité budgétaire destinée à réduire le rôle de l’Etat. L’accès de la gauche au pouvoir en 1981, avec Mitterrand (1981-1995), confirme cette orientation, en dépit d’une tentative rapide, mais avortée, de retour à l’Etat-providence. Dès 1983, en effet, Mitterrand, conscient de l’échec de sa politique de nationalisations et de grands travaux, adopte, à son tour, une politique d’austérité et de réduction des dépenses publiques. Celle-ci, du reste, est confirmée par l’accès au pouvoir de Chirac, non seulement au poste de Premier ministre lors de la première cohabitation (1986-1988), mais plus encore lorsqu’il est élu président de la République (1995-2007). S’inspirant du modèle anglo-saxon dans lequel Margaret Thatcher et Ronald Reagan réduisent l’action de l’Etat (années 1980), la politique de privatisations menée par Chirac et ses successeurs permet au libéralisme de remporter une victoire quasi définitive. En France, toutefois, le recul du rôle de l’Etat ne doit pas être exagéré. Si celui-ci est réel, il est aussi moins prononcé que dans d’autres pays. Aujourd’hui encore, en effet, l’Etat demeure un acteur important. A droite comme à gauche, de nombreux hommes politiques affirment la nécessité d’un Etat régulateur et protecteur.

[B] Le rôle de l’Etat est également remis en cause par la concurrence de l’Union européenne. L’UE désigne une association d’Etats européens liés entre eux par une conviction commune : celle d’être plus forts unis que divisés. Le but de l’UE étant, à plus ou moins long terme, de donner naissance à un nouveau pays : les Etats-Unis d’Europe, sorte d’Etat supranational composé de pays réduits au statut de régions, après avoir unifié leurs législations et renoncé à leurs souverainetés. C’est dans cette perspective qu’ont d’ores et déjà été créés une monnaie commune, une citoyenneté européenne ainsi qu’un espace intérieur sans frontière appelé espace Schengen (1995). Ce sont ainsi autant de domaines de compétence aujourd’hui délégués à l’UE, alors qu’ils relevaient autrefois de la souveraineté exclusive de l’Etat français. L’UE, en effet, voit dans l’Etat un concurrent qu’il convient d’affaiblir, car il est le seul capable de contrarier la création de l’Etat supranational auquel elle aspire. Voilà pourquoi l’UE encourage l’affaiblissement du pouvoir des Etats et, à l’inverse, le renforcement du pouvoir des collectivités territoriales.

[C] Le rôle de l’Etat, enfin, est remis en cause par l’émergence des collectivités territoriales. En France, sont concernés : les régions, les départements et les communes. Toutes, jusqu’à une date récente, ne disposaient que d’un pouvoir d’exécution. En matière économique, sociale, culturelle et territoriale, l’Etat décidait, les collectivités territoriales exécutaient. A partir des lois Defferre de décentralisation de 1982, toutefois, et de la réforme constitutionnelle de 2003, la République française a accepté l’idée de renoncer à une partie de ses prérogatives au bénéfice d’institutions locales. L’Etat, de fait, autrefois seul acteur en son pays, est dorénavant concurrencé par des seconds rôles : non seulement par des acteurs internationaux qui, telle l’UE, dans le cadre de la construction européenne, remettent parfois en cause son autorité politique et économique ; mais également par des acteurs nationaux qui, tels les collectivités territoriales, sous la pression de citoyens lassés des décisions lointaines prises « d’en haut », exigent dorénavant une politique de proximité définie « avec le bas ». Voilà pourquoi, au final, l’Etat apparaît en déclin : d’abord, parce qu’il est concurrencé par le haut, via l’UE ; ensuite, parce qu’il est concurrencé par le bas, via l’émergence du pouvoir des collectivités locales.

 

CONCLUSION

Fermeture. Depuis 1946, le rôle de l’Etat, en France, a donc notablement évolué. Si, entre 1945 et 1973, en effet, temps de forte croissance et de plein-emploi, les Trente Glorieuses ont permis la mise en place d’un Etat interventionniste dépensier, depuis 1974, en revanche, la fin des Trente Glorieuses, symbole de crise et de chômage de masse, a imposé l’instauration d’un Etat libéral économe des deniers publics.

Ouverture. Ce changement d’échelle de gouvernance, cependant, qui conduit à confier moins de pouvoir à l’Etat et plus de responsabilités aux collectivités internationales et territoriales, est-il seulement conjoncturel ? N’est-il pas en réalité structurel, surtout depuis que l’Etat est perçu comme un facteur de repli identitaire, source de tension et de crise, si contraire à l’esprit de la mondialisation ?     

 

PLAN

 

I - L’Etat-providence (1946-1958)

A - L'instauration d'un régime parlementaire

B - Une haute fonction publique formée sur de nouvelles bases

C - Des missions élargies pour l’Etat

II - L’Etat gaullien (1958-1974)

A - L'instauration d'un régime présidentiel

B - Une haute fonction publique au rôle accru

C - L’extension des missions de l’Etat

III - L’Etat libéral (1974...)

A - L’essor des théories libérales

B - La concurrence de l’UE

C - L’émergence des collectivités territoriales

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