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Sujet 18. Composition : « Le projet d'une Europe politique depuis le Congrès de La Haye en 1948 »

22 Août 2017 , Rédigé par Laurent Boscher Publié dans #1. SUJETS CORRIGES

Sujet 18. Composition : « Le projet d'une Europe politique depuis le Congrès de La Haye en 1948 »
INTRODUCTION

 

Présentation. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le nationalisme ayant été rendu responsable du conflit, l’Etat, en tant qu’échelle de gouvernance, n’est plus considéré comme capable d’assurer une paix durable. L’échelle continentale, comme nouvelle échelle de gouvernance, en remplacement de l’échelle nationale, fait alors son apparition. En 1948, au Congrès de La Haye, le projet d’une Europe politique est né. Celui-ci, pour éviter des conflits entre pays voisins d’un même continent, suggère aux Etats de se dépouiller d’une partie de leur pouvoir afin de le confier à une autorité supranationale dont les décisions s’imposeraient à tous les pays. On parle d’intégration régionale.

Problématique. Ce projet d’une Europe politique, lancé au Congrès de La Haye en 1948, est-il devenu une réalité ?

Plan. En fait, trois périodes sont à distinguer : la première, comprise entre 1948 et 1957, témoigne de l’échec du projet d’Europe politique ; la seconde, comprise entre 1957 et 1992, correspond à celle de son remplacement par un projet d’Europe économique ; la troisième, à l’œuvre depuis 1992, est marquée par la relance du projet d’Europe politique.

 

DEVELOPPEMENTS

 

[I] Entre 1948 et 1957, le projet d’une Europe politique est un échec. Le lancement du projet d’Europe politique au Congrès de La Haye (1948), en effet, suivi de la naissance d’une institution économique comme la CECA (1951) masquent, au-delà des premiers succès apparents, une autre réalité : celle de l’avortement de deux institutions politiques, la CED et la CPE (1954).

[A] En 1948, au Congrès de La Haye, le projet d’Europe politique est lancé. Cette année-là, sous la présidence de Winston Churchill, ancien Premier ministre britannique, 800 délégués de 18 pays européens se réunissent à La Haye, aux Pays-Bas. Selon eux, la naissance d’une Europe politique est rendue nécessaire pour trois raisons : le risque d’une Troisième Guerre mondiale ; la menace d’une invasion soviétique ; et la perspective d’un déclin économique. En clair, disent-ils, seule l’union des pays européens peut garantir la paix, la démocratie et la prospérité sur le continent. Dès l’origine, cependant, la nature de l’union qui doit être scellée entre les pays européens divise les européistes : d’un côté, rangés derrière le Britannique Winston Churchill, les unionistes, partisans d’une simple coopération entre les gouvernements et respectueux de la souveraineté des Etats ; d’un autre côté, rangés derrière le Français Jean Monnet, les fédéralistes, partisans d’une Europe supranationale dans laquelle les Etats renonceraient à une partie voire à la totalité de leur souveraineté au bénéfice d’une entité supranationale indépendante des Etats. Toujours est-il que du Congrès de La Haye naissent, par-delà les divisions, une institution, le Conseil de l’Europe, en 1949, et aussi un texte, la CEDH, en 1950, deux moyens par lesquels les Etats européens témoignent de leur volonté de coopérer sur la question très politique des droits de l’homme. Les européistes, cependant, particulièrement les fédéralistes, souhaitent aller beaucoup plus loin. Plus qu’une simple coopération, c’est une intégration qu’ils appellent de leur vœu : la création de la CECA en 1951 répond à cet objectif.

[B] En 1951, naît la première institution économique européenne : la CECA. Tout commence en 1950 lorsque, sur la suggestion de Jean Monnet, commissaire au Plan, Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, propose de confier les productions franco-allemandes du charbon et de l’acier - les symboles économiques des deux guerres mondiales - à une institution européenne supranationale, c’est-à-dire à une autorité communautaire dont les décisions s’imposeraient aux Etats membres. Celle-ci, appelée Haute Autorité de la CECA, dispose d’un champ de compétence limité certes, puisqu’il est borné à un seul secteur économique, la production de charbon et d’acier, mais au moins dispose-t-elle pour la première fois dans l’histoire de la construction européenne de pouvoirs supranationaux. Ce projet, toutefois, proposé à l’ensemble des pays d’Europe de l’Ouest, est accepté par six pays seulement : la France, l’Allemagne, l’Italie et les trois pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), perçus depuis lors comme les six pays fondateurs de la construction européenne. Pour les fédéralistes, cependant, l’intégration économique que consacre la CECA n’est qu’un premier pas. Le véritable enjeu est ailleurs. Il est plus ambitieux : il consiste, en prenant appui sur la réussite que constitue la CECA, à donner naissance à une intégration de type politique. La création de la CED et de la CPE devait originellement répondre à cet objectif.

[C] En 1954, le projet de donner naissance à deux institutions politiques, la CED et la CPE, est avorté. Tout commence au début des années 1950 lorsque le Français René Pleven, président du Conseil, lance l’idée de créer une armée européenne, la CED, ainsi qu’une Constitution européenne, la CPE. Toutes les élites européennes, cependant, ne sont pas européistes, à l’instar de la démocratie-chrétienne (centre droit) et de la social-démocratie (centre gauche). Certaines, parmi elles, éprouvent même un fort sentiment anti-européen. En France, particulièrement, la CED divise l’opinion et les partis politiques. Les communistes, très hostiles à la construction européenne ancrée à l’Ouest, ainsi que les gaullistes, opposés à toute construction supranationale, sont les chefs de file de cette opposition. De fait, en 1954, après de longs débats, l’Assemblée nationale française rejette finalement la ratification du traité. Conséquence : le rejet de la CED, qui entraîne aussi celui de la CPE, consacre l’échec d’une Europe fédérale et met durablement fin à toute tentative d’intégration supranationale dans le domaine politique. En 1954, du fait de l’échec de la CED, la construction européenne subit ainsi son premier coup d’arrêt.

[Transition] En 1954, après l’abandon de la CED et de la CPE, le projet d’une Europe politique est donc suspendu. En 1955, toutefois, à la conférence de Messine (Sicile), les ministres des Affaires étrangères des six Etats membres de la CECA, pour ne pas rester sur un échec, proposent alors une relance sur un terrain moins sensible, celui de l’économie.

 

[II] Entre 1957 et 1992, le projet d’Europe politique est remplacé par un projet d’Europe économique. Ce projet économique, néanmoins, lancé en 1957 à la faveur de la naissance de la CEE, n’empêche pas pour autant le projet politique de prendre forme, comme en témoignent la relance du projet d’une Europe politique à partir des années 1970 et surtout l’adoption de l’Acte unique durant les années 1980.

[A] En 1957, naît une institution économique : la CEE. Le 25 mars 1957, les six Etats membres de la CECA, réunis à Rome, signent deux nouveaux traités, chacun donnant naissance à deux nouvelles communautés, la CEE et la CEEA : si la CEE donne naissance à un marché commun, c’est-à-dire à un espace économique au sein duquel toutes les marchandises (et pas seulement le charbon et l’acier) peuvent circuler librement sans le paiement de droits de douane, comme si ces marchandises circulaient à l’intérieur d’un même pays ; la CEEA (dite aussi Euratom) met en place, de son côté, une coopération dans le domaine de l’énergie nucléaire civile. Les traités de Rome, cependant, ne prévoient pas seulement la naissance d’une politique économique et nucléaire commune. Ils envisagent également la création de trois nouvelles institutions. Parmi elles : le Conseil des ministres, la Commission européenne et le Parlement européen. Le pouvoir reconnu à ces institutions, par rapport à celles de la CECA, marque un coup d’arrêt dans la progression vers la supranationalité européenne (unanimité, pouvoir consultatif). Il était toutefois prévu, pour ne pas ralentir indéfiniment la construction européenne, que, dès 1965, les décisions du Conseil seraient prises non plus à l’unanimité mais à la majorité qualifiée. C’est la nature de cette évolution vers plus de supranationalité qui va marquer les années 1960. En 1965, en effet, le général de Gaulle, hostile par principe aux organisations européennes supranationales, fait pratiquer par ses représentants pendant plus de six mois la « politique de la chaise vide », à l’origine de la paralysie de l’ensemble de la CEE, en raison de la règle de l’unanimité qui prévaut alors. Finalement, pour sortir de l’impasse, les partenaires de la France acceptent ses exigences : le « compromis de Luxembourg » (1966) maintient la règle de l’unanimité pour les sujets majeurs abordés par le Conseil des ministres, mais il introduit tout de même la règle de la majorité qualifiée pour les sujets mineurs.

[B] Au cours des années 1970, le projet d’Europe politique est relancé. En 1969, en effet, après le départ du général de Gaulle, et son remplacement par Pompidou, moins hostile à l’Europe politique, la CEE bénéficie d’une nouvelle dynamique favorable à la relance du projet de construction politique de l’Europe : en 1973, d’abord, la CEE accepte le principe d’un élargissement non seulement au bénéfice du Royaume-Uni, mais également à celui de la république d’Irlande (Eire) et du Danemark ; en 1974, ensuite, une nouvelle institution voit le jour, le Conseil européen, composé des chefs d’état et de gouvernement ; en 1979, enfin, le Parlement européen, auquel sont reconnus des pouvoirs accrus, cesse, en conséquence, d’être composé de délégués des parlements nationaux, au bénéfice de députés européens à part entière, tous élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. A cette date, toutefois, le Parlement européen, contrairement à un parlement national, n’a toujours pas de compétence législative, même si par l’instauration de l’élection de ses députés au suffrage universel le déficit démocratique dont souffrait la CEE jusqu’alors est en partie comblé.

[C] Au cours des années 1980, le projet d’Europe politique est conforté par l’adoption de l’Acte unique (1986). L’Acte unique, adopté à l’initiative du Français Jacques Delors, président de la Commission européenne entre 1985 et 1995, est ainsi qualifié parce qu’il rassemble dans un « seul texte » des réformes qui concernent pourtant trois secteurs différents. En premier lieu, l’Acte unique réforme les institutions de la CEE, notamment par l’extension, à l’intérieur de chacune des institutions européennes, du vote à la majorité qualifiée, cantonnant ainsi le vote à l’unanimité à des sujets de moins en moins nombreux. En second lieu, l’Acte unique légalise la création de l’espace Schengen, à l’origine de la suppression des frontières et de la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux entre les pays membres de la CEE, à l’exception de ceux qui ne les avaient pas ratifiés, parmi lesquels le Royaume-Uni. En troisième lieu, l’Acte unique étend le domaine de compétence du traité de Rome à des domaines nouveaux, certes non encore politiques, mais plus seulement économiques, tels que la recherche ou l’environnement. Au cours de la même année 1986, enfin, après l’entrée de la Grèce en 1981, « l’Europe des dix » devient « l’Europe des douze », depuis l’adhésion à la CEE de l’Espagne et du Portugal.

[Transition] En dehors de l’économie, pourtant, l’Europe n’a guère d’existence sur la scène internationale. C’est pour pallier cette lacune que, à partir des années 1990, avec l’adoption du traité de Maastricht et la naissance de l’UE, la construction économique se double d’une construction politique.

 

[III] Depuis 1992, le projet d’une Europe politique est relancé. Avec l’adoption du traité de Maastricht, en effet, donnant naissance à l’UE, la construction politique de l’Europe prend le relais de sa construction économique, dorénavant accomplie. Deux questions, néanmoins, demeurent en suspens : celle de son élargissement ainsi que celle de son approfondissement.

[A] En 1992, naît une institution politique : l’UE. Le traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, entré en vigueur le 1er novembre 1993, introduit plusieurs nouveautés sur le plan institutionnel. En premier lieu, la création d’une monnaie européenne (l’euro) destinée à remplacer les monnaies nationales. En second lieu, la création d’une citoyenneté européenne, par laquelle tout citoyen membre d’un pays de l’UE peut voter et se porter candidat aux élections municipales et européennes, quel que soit l’état de l’Union dans lequel il réside. En troisième lieu, l’extension de la compétence des institutions européennes à de nouveaux secteurs, parmi lesquels l’éducation et la culture. En quatrième lieu, la création d’une police européenne, Europol, siégeant à La Haye aux Pays-Bas, destinée à renforcer la coopération entre les polices nationales. En cinquième lieu, l’élargissement de la règle de la majorité, aux dépens de celle de l’unanimité, à un nombre croissant de décisions prises par les institutions européennes. En dernier lieu, la mise en place d’une politique étrangère commune (PESC) et d’une armée européenne embryonnaire, l’Eurocorps.

[B] La poursuite du projet de construction de l’Europe politique pose cependant la question de son approfondissement. Le traité de Maastricht, en effet, révèle rapidement ses limites. Des traités complémentaires sont donc adoptés à des échéances plus ou moins rapprochées. Parmi ceux-ci : le traité d’Amsterdam (1997), le traité de Nice (2001), le traité de Rome (2004) ou encore le traité de Lisbonne (2007), qui généralise les prises de décision à la majorité qualifiée et dote l’UE d’un président désigné par les Etats membres pour une période de 2 ans et demi. Toutes ces modifications institutionnelles, pourtant, utiles à la poursuite de la construction européenne, indispensables même, ne suffisent pas à faire de l’UE une grande puissance politique. Et pour cause : depuis l’échec de la CED en 1954, jamais les Etats ne sont véritablement parvenus à nouer des liens étroits dans le domaine militaire, chaque pays se montrant réticent à l’idée de renoncer à cette part de souveraineté. Bien plus : même dans le domaine de la politique étrangère, les nations européennes font prévaloir leurs intérêts nationaux au risque de diviser et d’affaiblir l’UE, comme l’a souligné la guerre en Irak en 2003, certains pays s’associant à l’intervention américaine (Angleterre) tandis que d’autres s’y refusaient (France).

[C] La poursuite du projet de construction de l’Europe politique pose enfin la question de son élargissement. L’UE, autrement dit, doit-elle permettre à de nouveaux pays candidats de rejoindre la construction européenne ? Le cas échéant, à qui et jusqu’à quand ? La construction européenne, en effet, commencée à six, au temps de la CECA (1951) et de la CEE (1957), se poursuit à neuf depuis 1973, à dix depuis 1981 et à douze depuis 1986. La naissance de l’Union européenne (1993), devenue l’espace économique le plus prospère au monde, suscite, après la fin de la Guerre froide, les convoitises des voisins et provoque l’adhésion de seize nouveaux membres entre 1995 et 2013. Parmi eux : trois pays neutres (1995), deux îles de la Méditerranée (2004) et onze Etats de l’ancien bloc communiste (2004, 2007, 2013). Est-ce à dire que les 46 pays qui composent actuellement « l’Europe géographique » ont tous vocation à rejoindre les 28 pays de « l’Europe politique » ? Certes, certains ne sont pas intéressés (Russie), mais d’autres ont déposé leur candidature depuis fort longtemps, notamment la Turquie (1987). Ces questions, évidemment, ne sont pas tranchées. Elles opposent les européistes et les eurosceptiques, les premiers faisant de l’Europe politique la solution, les seconds le problème.

 

CONCLUSION

 

Fermeture. Le projet d’une Europe politique, lancé au Congrès de La Haye en 1948, est donc bel et bien devenu une réalité. Certes, cette construction européenne n’a pas été linéaire. Les reculs et les compromis ont succédé aux avancées et aux idéaux. Un rappel, pourtant, s’impose : le projet d’une Europe politique, à défaut d’être encore totalement abouti, a permis de faire du Vieux Continent l’espace le plus pacifique et le plus prospère du monde.

Ouverture. L’élévation de l’intégration européenne au rang de modèle de référence pour les autres continents de la planète ne témoigne-t-elle pas de la réussite du projet de l’Europe politique lancé par les « pères fondateurs » du Congrès de La Haye (1948) ?

 

PLAN

 

 

I - L’échec du projet d’Europe politique (1948-1957)

A -1948 : le lancement du projet d’Europe politique au Congrès de La Haye

B - 1951 : la naissance avec la CECA de la première institution économique européenne

C - 1954 : l’avortement avec la CED et la CPE de la naissance de deux institutions politiques

II - Le remplacement du projet d’Europe politique par un projet d’Europe économique (1957-1992)

A -1957 : la naissance avec la CEE d’une institution économique

B - Années 1970 : la relance du projet d’Europe politique

C - 1986 : la poursuite du projet d’Europe politique avec l’adoption de l’Acte unique

III - La relance du projet d’Europe politique (1992...)

A -1992 : la naissance avec l’UE d’une institution politique

B - La question de l’approfondissement du projet d’Europe politique

C - La question de l’élargissement du projet d’Europe politique

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