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Sujet 16. Etude de deux documents : « La dénazification : le procès de Nuremberg »

22 Août 2017 , Rédigé par Laurent Boscher Publié dans #1. SUJETS CORRIGES

Sujet 16. Etude de deux documents : « La dénazification : le procès de Nuremberg »
INTRODUCTION

Présentation. La dénazification désigne le processus destiné à permettre à l’Allemagne d’après-guerre de rompre ses liens politiques, économiques, culturels et militaires avec l’idéologie nazie qui a prévalu dans ce pays entre 1933 et 1945. L’un des moyens d’y parvenir est de faire juger le nazisme et les nazis par des tribunaux, imprégnés des idéaux de démocratie et de justice.

Problématique. Le procès de Nuremberg, tribunal international compétent pour juger quelques-uns des principaux responsables nazis, est-il parvenu à remplir sa mission : celle de juger des coupables plutôt que de venger des victimes ?

Plan. La réponse est plus contrastée qu’il n’y paraît : d’un côté, certes, un Tribunal militaire international a bien été établi pour juger quelques-uns des principaux criminels de guerre ; mais, d’un autre côté, la décision rendue par ce Tribunal a été aussi discutée que diversement appréciée.

 

DEVELOPPEMENTS

[I] Le procès de Nuremberg est un procès légal, dans la mesure où deux textes de loi précisent son domaine de compétence : d’une part, la Déclaration de Moscou qui renvoie les crimes nationaux devant les tribunaux nationaux ; d’autre part, les accords de Londres qui renvoient les crimes internationaux devant le tribunal international de Nuremberg.

[A] Selon le document 1, l’intention « de traduire en justice les criminels de guerre », déjà évoquée à plusieurs reprises par l’ONU au moment de sa création, est devenue une réalité aux termes des accords de Londres, conclus le 8 août 1945 entre les principaux vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale : l’URSS, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France. Selon ces accords, deux types de tribunaux doivent voir le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale :

- D’une part, des tribunaux nationaux, compétents pour juger « les officiers et les soldats allemands et les membres du Parti nazi qui sont responsables d’atrocités et de crimes, ou qui ont pris volontairement part à leur accomplissement ». Ceux-là, en vertu de la Déclaration de Moscou datée du 30 octobre 1943, « seront renvoyés dans les pays ou leurs forfaits abominables ont été perpétrés, afin qu’ils puissent être jugés et punis conformément aux lois de ces pays libérés et des gouvernements libres qui y sont établis ».

- D’autre part, un tribunal international, compétent pour juger « les grands criminels de guerre dont les crimes sont sans localisation géographique précise, qu’ils soient accusés individuellement ou à titre de membres d’organisations ou de groupement, ou à ce double titre ».

[B] Faire juger des criminels de guerre au terme d’un conflit, dans les pays où ceux-ci ont commis leurs exactions, ne constitue pas une nouveauté. En revanche, donner naissance à un tribunal international est inédit. C’est que le crime accompli par les nazis est inédit également. Celui-ci, conçu en un pays (Allemagne), mis en œuvre dans un autre (France), a été exécuté dans un différent (Pologne). Quel pays rendre compétent ? Par ailleurs, les victimes appartiennent à une multitude de nationalités, au même titre du reste que les coupables eux-mêmes. Quelle juridiction nationale sollicitée ? Enfin, le crime perpétré par les nazis, ne portait pas tant atteinte à un individu, à une religion, à une ethnie ou à un pays, mais, par sa cruauté et son ampleur, insultait l’humanité tout entière. A un crime nouveau, a-t-on alors fini par considérer, devait correspondre une infraction nouvelle, le crime contre l’humanité, et un tribunal nouveau également, un Tribunal international, finalement établi à Nuremberg, en Allemagne, où tout avait commencé et où tout devait finir pour les nazis.

[Transition] L’opportunité de réunir un tribunal international, soumis au droit, obéissant à des règles de procédure strictes, au cours desquelles les accusés pourraient se défendre, a été discutée entre les vainqueurs. Les Soviétiques étaient plutôt disposés à des exécutions sommaires sans procès, tandis que les Occidentaux inclinaient davantage au respect d’un formalisme contraignant afin de juger sans donner l’impression de se venger. Le tribunal de Nuremberg, discuté dans son principe, le sera plus encore au terme des châtiments qu’il prononcera.

[II] Le procès de Nuremberg, légal en la forme, est également un procès juste au fond : en premier lieu, parce que la procédure, respectueuse des droits de la défense, est minutieuse ; en second lieu, parce que le verdict, allant de la peine de mort à l’acquittement, est mesuré.

[A] Le procès de Nuremberg, ouvert le 20 novembre 1945, est refermé le 1er octobre 1946. Au cours de ces dix mois d’audiences, sont réunis : quatre juges, soviétique, américain, britannique, français (Donnedieu de Vabres) ; quatre procureurs, de la nationalité également des quatre puissances victorieuses ; 22 accusés, dont 1 par contumace ; quatre organisations criminelles, NSDAP, SS, SA, Gestapo ; tous défendus par des avocats de leur choix, à condition qu’ils ne soient pas d’anciens nazis ; l’ensemble réuni sous le regard de plusieurs dizaines de traducteurs et de journalistes, appartenant à une vingtaine de pays (Joseph Kessel, pour la France), et travaillant pour la presse écrite, la radio ou la télévision (John Ford, le réalisateur américain), afin de retranscrire les témoignages des victimes et des bourreaux qui comparaissent à la barre du tribunal (Marie-Claude Vaillant-Couturier, pour la France). Le 2 octobre 1946, au lendemain du verdict rendu par le Tribunal de Nuremberg, le quotidien français Le Figaro analyse le sens du procès. Le document 2 propose des extraits d’un article intitulé « Le Jugement ». Selon l’auteur de cet article, « ce qui importe ici n’est pas tant le contenu même du verdict [...], ce qui importe c’est le jugement lui-même » : « C’est le fait, précise-t-il, que les chefs civils et militaires d’un grand Etat [...] ont comparu pour la première fois devant le tribunal des nations. » Selon lui, du reste, « il faut se défendre de deux attitudes d’esprit » : « La première est de penser que le procès de Nuremberg était injuste et arbitraire ; la seconde est de penser que ce procès était inutile », au sens où il eût mieux valu exécuter les coupables en faisant l’économie d’une procédure longue et coûteuse.

[B] Pour le journaliste, le procès de Nuremberg, contrairement à ce que disent les accusés, n’est ni injuste ni arbitraire. Comme tout accusé, les nazis, quels que soient les crimes qui leur sont reprochés, sont traités en êtres humains, non en bêtes sauvages que l’on traque et que l’on exécute sommairement. Les accusés ont été respectés dans leur intégrité, entendus par les meilleurs magistrats et défendus par des avocats de leur choix. Le Tribunal s’est efforcé de faire le tri entre les accusés. La sentence le prouve : une partie des accusés ont été condamnés à mort, une autre à des peines d’emprisonnement, les derniers acquittés. Et les poursuites autant que les condamnations reposaient toutes sur des articles de loi conformes au respect des droits de l’homme, dans la mesure où les accusés ont été jugés en vertu de la procédure américaine. Les peines prononcées par le Tribunal de Nuremberg ne sont donc ni injustes ni arbitraires. Pour le journaliste, également, le procès de Nuremberg, soucieux de s’éloigner des appels aux meurtres et des cris de vengeance proférés par certains, n’est pas inutile, au motif que la procédure est longue et coûteuse. Au contraire des nazis, pour qui la vie humaine ne vaut rien, les juges de Nuremberg, dans la tradition humaniste occidentale, veulent établir une échelle des responsabilités à laquelle doit correspondre une échelle des châtiments : les auteurs principaux doivent être exécutés, les complices doivent être emprisonnés, tandis que les lâches doivent être acquittés. Voilà pourquoi le journaliste conclut son article en condamnant ceux qui voient dans le procès de Nuremberg un luxe inutile : « Si les Alliés vainqueurs avaient supprimé leurs ennemis sans autre forme de procès, ils se seraient mis sur le plan de ces ennemis eux-mêmes. Ils auraient montré qu’ils tenaient les principes et les garanties de la justice dans le même mépris que les inventeurs des camps d’extermination. » C’est de cet écueil de la barbarie, propre aux nazis, dont le Tribunal de Nuremberg s’est éloigné, en refusant de juger aveuglément, en vertu du raccourci populaire « tous coupables ! ».

 

CONCLUSION

Fermeture. La dénazification, entreprise en Allemagne dans l’immédiat après-guerre, a pris différentes formes : politique, administrative et même judiciaire. Le procès de Nuremberg, instruit aux dépens d’une vingtaine de dignitaires nazis, en constitue le symbole.

Ouverture. Le Tribunal de Nuremberg, premier Tribunal international de l’histoire de l’humanité, a-t-il été un procès utile ? A-t-il servi la cause de la justice et de la mémoire ? Sans l’existence du Tribunal de Nuremberg, le procès de Eichmann à Jérusalem (1961) et celui de Klaus Barbie à Lyon (1987) auraient-ils eu lieu ? La Cour pénale internationale de La Haye (2002) elle-même aurait-elle vu le jour ?

 

PLAN

 

I - Un procès légal

A - La Déclaration de Moscou (1943) : le renvoi des crimes nationaux devant les tribunaux nationaux

B - Les accords de Londres (1945) : le renvoi des crimes internationaux devant le Tribunal international

II - Un procès juste

A - Une procédure minutieuse

B - Un verdict mesuré

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