Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sujet 14. Etude de deux documents : « La guerre Iran-Irak (1980-1988) »

22 Août 2017 , Rédigé par Laurent Boscher Publié dans #1. SUJETS CORRIGES

Sujet 14. Etude de deux documents : « La guerre Iran-Irak (1980-1988) »
INTRODUCTION

Présentation. Les deux documents, objet de cette étude consacrée au Moyen-Orient, et plus particulièrement à la guerre Iran-Irak (1980-1988), sont : pour le document 1, un extrait du discours prononcé le 25 avril 1980 par l’ayatollah Khomeiny, plus haut dignitaire religieux de l’Iran (1979-1989) ; pour le document 2, un extrait du discours prononcé le 16 septembre 1980 par Saddam Hussein, président de la République d’Irak (1979-2003).

Problématique. En quoi la guerre Iran-Irak reflète-t-elle les rivalités du monde musulman au Moyen-Orient ?

Plan. La guerre Iran-Irak reflète les rivalités du monde musulman au Moyen-Orient, dans la mesure où celle-ci met en lumière les divisions internes de celui-là sur un triple plan : politique, culturel et religieux.

 

DEVELOPPEMENTS

[I] La guerre Iran-Irak s’explique, en premier lieu, par des rivalités politiques : d’un côté, en Irak, un régime laïque ; de l’autre, en Iran, un régime islamiste.

[A] L’Irak est un régime laïque. Ce pays, région de l’Empire ottoman jusqu’en 1918, colonie britannique jusqu’en 1932, accède à l’indépendance dans l’entre-deux-guerres. D’abord gouverné par un roi (1932-1958), l’Irak, au lendemain d’un coup d’Etat militaire, devient une république : une république communiste entre 1958 et 1968 ; une république socialiste, aux ordres du parti Baas, à partir de 1968. Saddam Hussein, lui-même baassiste, en prend la direction à compter de 1979. Il en restera le président jusqu’en 2003, année de l’intervention américaine et de sa destitution.

[B] L’Iran est un régime islamiste. Ce pays, contrairement à l’Irak, n’a jamais été colonisé : ni par les Ottomans, ni par les Européens. C’est une royauté, dont le shah (roi) est le souverain. C’est ce shah d’Iran, très occidentalisé et proche des Etats-Unis pendant la Guerre froide, qui est renversé par l’ayatollah Khomeiny, inspirateur de la révolution islamiste en 1979. Cette révolution islamiste, selon Khomeiny, mérite d’être exportée dans tous les pays musulmans, à commencer par ceux dirigés par des laïcs, tel l’Irak, son voisin : « Saddam et son gouvernement illégitime, dit Khomeiny à ses compatriotes, le 25 avril 1980, veulent revenir à la période d’avant l’islam [...]. Ces gens ne croient pas à l’islam. » Conclusion de ce discours radiodiffusé : il faut renverser Saddam Hussein. C’est justement pour devancer une attaque iranienne que, le 22 septembre 1980, l’Irak laïque déclare la guerre à l’Iran islamiste.

[Transition] Les rivalités entre l’Iran et l’Irak, pourtant, ne sont pas seulement politiques ; elles sont aussi culturelles.

[II] La guerre Iran-Irak s’explique, en second lieu, par des rivalités culturelles : d’un côté, l’Irak, une civilisation arabe ; de l’autre, l’Iran, une civilisation perse.

[A] L’Irak est un pays arabe. Les Arabes sont originaires d’Arabie. Après la naissance de l’islam, au VIIe siècle, ils ont quitté la péninsule arabique pour conquérir de nouveaux territoires, tour à tour arabisés et islamisés. En Afrique du Nord, par exemple, mais aussi au Moyen-Orient, les Berbères et les Kurdes ont été contraints de renoncer à leur culture (arabisation) et à leur religion (islamisation). L’Irak, à l’époque où il s’appelait encore la Mésopotamie, a connu, dès le Moyen Âge, cette vague de colonisation.

[B] L’Iran est un pays persan. Les Perses, contrairement aux Arabes, sont originaires d’Asie centrale. C’est au cours des grandes migrations, pendant l’Antiquité, que ce peuple, venu des steppes d’Asie centrale, s’est installé au Moyen-Orient. Il ne fait donc pas partie de la liste des 23 pays arabes, mais de celle des pays asiatiques, à laquelle appartiennent également : l’Afghanistan, le Pakistan, l’Azerbaïdjan, l’Ouzbékistan, etc. Dans tous ces pays, la langue officielle n’est pas l’arabe, mais le persan appelé aussi farsi. Si l’Iran a ainsi su résister à la colonisation culturelle (arabisation), elle n’a pu échapper à la colonisation religieuse (islamisation). C’est en ce sens que la guerre Iran-Irak n’oppose pas seulement deux pays, mais deux civilisations. Voilà pourquoi Saddam Hussein, dans le discours qu’il prononce devant ses compatriotes irakiens, invoque « le racisme et la haine militaire des Persans à l’égard des Arabes » pour expliquer la volonté de Téhéran de déclarer la guerre à Bagdad ; le but, selon lui, étant que les Persans comme jadis dominent les Arabes (référence à une lointaine époque au cours de laquelle l’Irak avait fait partie de l’empire perse).

[Transition] En réalité, pourtant, la rivalité qui oppose les deux voisins, davantage que politique ou culturelle, est peut-être plus encore religieuse.

[III] La guerre Iran-Irak s’explique, en troisième lieu, par des rivalités religieuses : d’un côté, en effet, le pouvoir irakien, adepte d’un islam sunnite ; de l’autre, le pouvoir iranien, partisan d’un islam chiite.

[A] Le pouvoir irakien pratique un islam sunnite. Le sunnisme désigne la branche majoritaire de l’islam. Dans le monde, 85% des musulmans sont sunnites. Pour eux, le successeur légitime de Mahomet (570-632) est Abou Bakr, désigné par élection en vertu de sa compétence. En Irak, la situation est singulière. Si Saddam Hussein et tous les dignitaires du régime (ministres, généraux) sont sunnites, la majorité de la population est chiite (80%). Voilà pourquoi, dans son discours, l’ayatollah Khomeiny appelle l’armée irakienne (sunnite) à se joindre au reste de la population irakienne (chiite) : « Armée irakienne, dit-il à celle-ci, rejoins ton peuple comme l’armée iranienne a rejoint le sien. » L’Irak, après l’Iran, deviendrait ainsi, selon le vœu de Khomeiny, le 2e grand pays chiite du Moyen-Orient (autres pays majoritairement chiites : Bahreïn, Azerbaïdjan ; forte communauté chiite : Liban, Yémen ; pouvoir chiite exercé sur une majorité de sunnites : Syrie).

[B] Le pouvoir iranien pratique un islam chiite. Le chiisme désigne la branche minoritaire de l’islam. Dans le monde, 15% des musulmans sont chiites. Pour eux, le successeur légitime du Prophète est Ali, gendre et cousin de Mahomet désigné par droit héréditaire en vertu des liens du sang. En Iran, toute la population est chiite ; y compris le pouvoir (politique, militaire et religieux). Depuis 1979, il s’agit même d’un régime islamiste : la loi religieuse (charia) l’emporte sur la loi politique, et le pouvoir religieux (mollah) sur le pouvoir politique (président). Le but de Khomeiny consiste donc, en Irak, à remplacer le régime laïque et sunnite par un régime islamiste et chiite. C’est ce qu’il dit dans son discours du 25 avril 1980 : « L’Iran est aujourd’hui le pays du messager de Dieu. [...] Nous voulons fonder [en Irak] un Etat islamique qui réunisse l’Arabe, le Persan, le Turc et les autres nationalités sous la bannière de l’islam. » Ainsi se trouverait restauré, au Moyen-Orient, un semblant d’équilibre entre laïcs et islamistes, d’un côté, mais aussi entre sunnites et chiites, de l’autre.             

 

CONCLUSION

Fermeture. La guerre Iran-Irak reflète donc bien les rivalités du monde musulman au Moyen-Orient : rivalités politiques, entre un régime laïque et un régime islamiste ; rivalités culturelles, entre un régime arabe et un régime persan ; rivalités religieuses, entre un régime sunnite et un régime chiite. On pourrait aussi ajouter rivalités : entre deux hommes, Saddam Hussein, le panarabiste, et l’ayatollah Khomeiny, le panislamiste ; ainsi qu’entre deux ambitions : celles de Bagdad et de Téhéran de prendre la direction du Moyen-Orient. Entre 1980 et 1988, la guerre Iran-Irak, à l’origine de la mort de 1 million de personnes, n’a rien changé à l’équilibre régional.

Ouverture. Mais, depuis l’intervention américaine en Irak en 2003, la destitution de Saddam Hussein et son remplacement à la tête du pays par un pouvoir chiite soutenu par Téhéran, l’Iran n’est-elle pas en train de voir son vieux rêve prendre forme, celui d’un « arc chiite » dominant le monde musulman en lieu et place de l’« arc sunnite », aux mains de l’Arabie saoudite (depuis 1932) après avoir été placé entre celles des Ottomans plusieurs siècles durant (1453-1924) ?

 

Plan

 

I. Les rivalités politiques

A - Un régime laïque en Irak

B - Un régime islamiste en Iran

II. Les rivalités culturelles

A - Une civilisation arabe en Irak

B - Une civilisation perse en Iran

III. Les rivalités religieuses

A - Un pouvoir sunnite en Irak

B - Un pouvoir chiite en Iran

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article