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CHAPITRE 4 - LE MONDE DE L'APRES-GUERRE

22 Août 2017 , Rédigé par Laurent Boscher Publié dans #2. CHAPITRES

CHAPITRE 4 - LE MONDE DE L'APRES-GUERRE
Introduction : « Un monde en ruines à réinventer »

Le monde de l’après-guerre désigne la période de l’histoire qui s’étend de 1945 à 1947. 1945 : fin de la Seconde Guerre mondiale. 1947 : début du conflit Est-Ouest. Deux années au cours desquelles pays vainqueurs et pays vaincus s’efforcent de reconstruire le monde qu’ils avaient eux-mêmes contribué à détruire.

I - UN MONDE DETRUIT

En 1945, après six années de guerre, le bilan est sans appel. Le monde est détruit : tant sur le plan humain et moral que sur le plan matériel et économique.

A - Sur le plan humain et moral

Le monde est détruit sur le plan humain et moral parce que, sur le plan humain, jamais une guerre n’a provoqué autant de morts et, sur le plan moral, parce que jamais les limites de l’horreur n’ont été repoussées aussi loin.

1 - Sur le plan humain

La Seconde Guerre mondiale est bien plus meurtrière que la Première : 60 millions entre 1939 et 1945 contre « seulement » 9 millions entre 1914 et 1918.

Bien plus. Pour la première fois au cours d’un conflit militaire, la proportion de civils tués est plus élevée que celle des soldats : 52 % contre 48 %. Entre 1939 et 1945, une victime sur deux est donc un civil. A titre de comparaison, entre 1914 et 1918, la part des pertes civiles ne représentait que 5% des pertes totales.

Ce bilan s’explique naturellement par des raisons géographique et raciale : d’une part, le caractère mondial de la guerre ; d’autre part, la volonté d’exterminer le peuple juif. Mais ce bilan s’explique aussi par le recours de plus en plus systématique aux bombardements aériens : que ce soit du côté des vaincus, où en 1940 les raids massifs de l’aviation font 60.000 morts en Angleterre, dont la moitié à Londres ; ou bien que ce soit du côté des vainqueurs, où en 1945 les bombardements aériens de Dresde en Allemagne le 13 février, de Hiroshima et de Nagasaki au Japon les 6 et 9 août, font respectivement 135.000, 60.000 et 40.000 morts.

Mais, de tous les pays impliqués dans le conflit mondial, ce sont l’URSS (21 millions), la Chine (15 millions), l’Allemagne (7 millions), la Pologne (5,4 millions) et le Japon (3 millions) qui payent le plus lourd tribut à la guerre, loin devant la France qui, ayant capitulé dès 1940, ne déplore « que » 600.000 victimes.

2 - Sur le plan moral

En 1945, la découverte des camps de concentration en Europe et l’emploi de l’arme nucléaire en Asie provoquent un traumatisme moral sans précédent. Le génocide perpétré contre les 6 millions de Juifs et les 250.000 Tziganes ainsi que la mort de 370.000 Japonais après le recours à la bombe atomique font prendre conscience au monde que des êtres civilisés peuvent se comporter comme des barbares et mettre la science au service des « crimes de masse ».

C’est d’ailleurs pour juger les génocidaires nazis et les criminels de guerre nippons que sont institués le Tribunal de Nuremberg entre 1945 et 1946 ainsi que le Tribunal de Tokyo entre 1946 et 1948. C’est également au cours de ces deux procès que sont recensés un nouveau type de crime : le génocide ; et un nouveau type d’infraction pénale : le crime contre l’humanité. Il est toutefois regrettable de constater que cette « justice des vainqueurs » infligée aux dépens des vaincus ne se soit pas préoccupée des crimes commis par certains vainqueurs, à commencer par l’URSS de Staline, à l’origine en 1940 du « massacre de Katyn », au cours duquel l’Armée rouge exécuta sommairement 20.000 soldats polonais.                

B - Sur le plan matériel et économique

En 1945, le monde n’est pas seulement détruit sur le plan humain et moral. Il l’est également sur le plan matériel et économique.

1 - Sur le plan matériel

L’Europe et l’Asie, théâtres principaux des opérations militaires, sont les deux continents les plus touchés par la Seconde Guerre mondiale. Des villes entières, bombardées, sont détruites par les raids aériens. Parmi elles : Stalingrad, Varsovie, Berlin, Le Havre, Coventry et Tokyo.

L’URSS, à elle seule, concentre la moitié des destructions et déplore 28 millions de sans-abri au sortir de la guerre.

Quant à la France, après quatre années d’occupation nazie, elle est, à l’Ouest, la première victime des dommages matériels.

2 - Sur le plan économique

Vainqueurs aussi bien que vaincus, en Europe autant qu’en Asie, se sont profondément appauvris et durablement endettés, du fait de la guerre. La dette publique des Etats se creuse, tandis que l’inflation semble ne connaître aucune limite. Partout, lors de l’après-guerre, le retour au quotidien est difficile. En Allemagne, notamment, règne un véritable chaos mêlant inflation, disette, marché noir, pauvreté et risque d’épidémies.

Au fond, seuls les pays situés à l’écart des zones de guerre se sont enrichis, à commencer par les Etats-Unis, l’Argentine et le Canada. Ainsi, la richesse nationale américaine a augmenté de moitié, alors que celle de la France a diminué d’autant. De même, les Etats-Unis, plus grand pourvoyeur de fonds pendant la guerre, sont devenus le premier pays créditeur du monde et aussi le seul pays où depuis 1940 le revenu moyen et la production industrielle ont doublé. Pour ces raisons, le monde détruit ne peut imaginer se reconstruire sans l’aide des Etats-Unis.

II - UN MONDE A RECONSTRUIRE

En 1945, le monde, littéralement détruit du fait de la Seconde Guerre mondiale, se doit d’être reconstruit dans les deux secteurs les plus dévastés : l’économie et la politique.

A - Sur le plan économique

L’économie de l’entre-deux-guerres (1919-1939), au même titre que la politique internationale menée par les nations au cours de cette période, prend sa part de responsabilité dans la guerre qui éclate en 1939. Le protectionnisme excessif des Etats, pour les uns, le désordre monétaire, pour les autres, auraient favorisé la « crise des années 1930 », à l’origine de la guerre.

Au sortir du conflit, l’idée, sur le plan économique, est donc de favoriser le libéralisme et de stabiliser les monnaies nationales. Dans ce but, le 22 juillet 1944, 44 pays signent les accords de Bretton Woods (Etats-Unis) aux termes desquels la coopération économique internationale doit l’emporter sur l’isolationnisme financier d’avant-guerre. Un tel principe est mis en pratique par deux institutions :

- en premier lieu, par le Fonds monétaire international (FMI), qui doit garantir la stabilité des monnaies nationales ;

- en second lieu, par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), une banque mondiale qui doit financer la reconstruction des pays détruits par la guerre.

En 1947, enfin, pour parachever la rénovation de l’économie mondiale, est signé, à Genève, l’Accord général sur les droits de douane et le commerce (GATT), dont l’objet est de garantir l’ouverture des frontières au commerce international.

Grâce à Bretton Woods, au FMI, à la BIRD et au GATT, espère-t-on, la prospérité du monde sera ainsi assurée et avec elle la garantie de la paix.

B - Sur le plan politique

La reconstruction économique du monde pour garantir la paix est nécessaire. Mais elle n’est pas suffisante. Pour garantir la paix sur le plan politique, encore faut-il la confier à ceux susceptibles d’en défendre l’intégrité : d’un côté, les Etats-Unis et l’URSS, deux superpuissances, également appelées « supergrands » ; de l’autre, l’Organisation des Nations Unies (ONU).

1 - La prééminence des deux superpuissances

Les Etats-Unis et l’URSS, ennemis jurés depuis la révolution bolchevique de 1917, et plus encore depuis la conclusion du pacte germano-soviétique en 1939, sont devenus « amis » en 1941, lorsque l’URSS, rompant avec l’Allemagne nazie, rejoint le camp des Alliés et forme avec les Etats-Unis ainsi que l’Angleterre ce que l’on appelle la « Grande Alliance », officialisée par la signature de la Charte de l’Atlantique (1941).

Cette Grande Alliance a naturellement pour but de remporter la guerre. Mais elle a aussi pour objectif de préparer l’après-guerre. Dans cette perspective, une première conférence est organisée en Iran à Téhéran en 1943, puis une seconde en URSS à Yalta, entre les 4 et 12 février 1945.

Lors de la conférence de Yalta, trois chefs d’Etat sont réunis : le Soviétique Staline, l’Américain Roosevelt, le Britannique Churchill ; et plusieurs décisions sont prises en vue de maintenir une paix durable :

- Primo, tous les pays libérés doivent procéder à des élections libres et démocratiques.

- Secundo, l’Allemagne, démilitarisée, dénazifiée, amputée d’un tiers de son territoire, est partagée, ainsi que Berlin, en quatre zones d’occupation confiées aux vainqueurs (URSS, Etats-Unis, Angleterre, France).

- Tertio, 30 % des frontières européennes sont modifiées, à commencer par celles de l’URSS, qui annexe 750.000 km² dont les trois Etats baltes, et celles de la Pologne, qui sont déplacées de 300 km vers l’Ouest jusqu’à l’Oder-Neisse.

- Quant à l’Asie, elle aussi concernée par le remaniement territorial, deux de ses pays doivent faire face à une situation nouvelle, en premier lieu le Japon administré par les seuls Américains, en second lieu la Corée, partagée en deux zones d’occupation, soviétique au nord du 38e parallèle, américaine au sud.

Toutes ces décisions, entérinées à Yalta, en février 1945, sont confirmées et précisées six mois plus tard, à Potsdam (Allemagne), en juillet-août 1945, en présence du Soviétique Staline, de l’Américain Truman et du Britannique Attlee.

2 - La naissance de l’ONU

L’ONU est officiellement créée par 51 Etats, le 25 juin 1945, lors de la conférence de San Francisco. Remplaçant la Société des Nations (SDN), fondée au lendemain de la Première Guerre mondiale, et incapable d’enrayer la Seconde, l’ONU est constituée dans le but d’assurer la paix et la sécurité internationale par l’adoption de mesures collectives. L’ONU, dont le siège est situé à New York, comprend plusieurs grandes institutions :

- L’Assemblée générale, au sein de laquelle chaque pays membre dispose d’une voix (en vertu du principe « un Etat = une voix »), se réunit une fois par an pour émettre à la majorité des deux tiers des recommandations que tous doivent respecter.

- Le Conseil de sécurité, composé de 11 membres (15 depuis 1966), dont 5 permanents (Etats-Unis, URSS, Royaume-Uni, Chine, France), peut se réunir à tout moment pour examiner les questions susceptibles de mettre la paix en danger et prend les décisions à la majorité simple, les cinq membres permanents disposant toutefois d’un droit de veto.

- Le Secrétaire général, élu pour cinq ans par l’Assemblée générale, sur proposition du Conseil de sécurité, assure la gestion quotidienne.

- Enfin, diverses organisations, telles que la CIJ, l’UNESCO, l’UNICEF, l’OMS, la FAO, l’OIT, le FMI, la BIRD, ont reçu, chacune dans leur domaine, la mission d’établir une coopération internationale destinée à faire respecter les libertés fondamentales, lesquelles sont solennellement énoncées par la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale, à Paris, le 10 décembre 1948.

Conclusion : « De la "Grande Alliance" à la "Grande Méfiance" »

L’espoir d’un monde meilleur, aux mains des deux supergrands, eux-mêmes soumis au contrôle de l’ONU, ne survit pas à l’année 1945.

Le 5 mars 1946, en effet, Winston Churchill, ancien Premier ministre britannique, signe à l’Université américaine de Fulton, dans le Missouri, l’acte de décès de la « Grande Alliance » et l’acte de naissance de la « Grande Méfiance ». Selon lui, l’Europe, et bientôt le monde, est divisée en deux, depuis, écrit-il, qu’« un rideau de fer est descendu à travers le continent ». Le poids de la responsabilité de la division du monde en deux camps opposés en incombe à l’URSS qui, selon lui, « cherche partout à s’emparer d’un pouvoir totalitaire » et à imposer un modèle économique et social identique au sien, comme en témoigne la soviétisation de la Pologne.

Le monde, à peine sorti de la Seconde Guerre mondiale, se prépare donc à vivre sous la menace d’un Troisième conflit planétaire, opposant non plus le « camp des Alliés » au « camp de l’Axe », mais le « bloc capitaliste de l’Ouest » au « bloc communiste de l’Est ».

VOCABULAIRE

 

BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Washington).

CIJ : Cour internationale de justice (La Haye).

Dénazification : nom donné à la politique menée par les Alliés en Allemagne pour extirper l’idéologie nazie de la population allemande.

FAO : Organisation pour l’agriculture et l’alimentation (Rome).

FMI : Fonds monétaire international (Washington).

GATT : General Agreement on Tariffs and Trade.

OIT : Organisation internationale du travail (Genève).

OMS : Organisation mondiale de la santé (Genève).

UNESCO : Organisation pour l’éducation, la science et la culture (Paris).

UNICEF : Organisation de protection de l’enfance (New York).

Soviétisation : processus par lequel les pays d’Europe de l’Est acquis au communisme calquent le modèle économique et social soviétique.

 

CHRONOLOGIE

 

       1944

22 juillet : signature des accords de Bretton Woods (Etats-Unis).

 

       1945

4-12 février : signature des accords de Yalta (URSS).

13 février : bombardement aérien de Dresde (Allemagne).

25 juin : signature de la charte de San Francisco donnant naissance à l’ONU.

6 août : bombardement nucléaire de Hiroshima (Japon).

9 août : bombardement nucléaire de Nagasaki (Japon).

20 novembre 1945 - 1er octobre 1946 : procès de Nuremberg (Allemagne).

 

       1946

5 mars : discours de Fulton (Etats-Unis) prononcé par Winston Churchill.

3 mai 1946 - 12 novembre 1948 : procès de Tokyo.

 

       1948

10 décembre : adoption par l’ONU de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

 

BIOGRAPHIES

 

Churchill, Winston (1874-1965)

D’origine aristocratique, membre du parti conservateur au XIXe siècle, radicalement anticommuniste, il est Premier ministre de Grande-Bretagne durant la Seconde Guerre mondiale et incarne la résistance britannique au nazisme. écarté du pouvoir par les travaillistes en 1945, il est de nouveau Premier ministre entre 1951 et 1955.

 

Roosevelt, Franklin Delano (1882-1945)

Issu d’une grande famille de New York, il entame une carrière d’élu démocrate en 1910. Malgré la maladie, il est élu 32e Président des Etats-Unis en 1932 et lance le New Deal contre la crise économique. Il est réélu en 1936, 1940 et 1944. Partisan de l’entrée en guerre des Etats-Unis contre une opinion isolationniste, il se rapproche de la Grande-Bretagne dès avant l’attaque de Pearl Harbor en 1941. Il participe aux conférences de Téhéran et de Yalta qui préparent l’après-guerre et obtient la création des Nations Unies.

 

Staline, Joseph Djougachvili dit (1879-1953)

Entré au Parti bolchevique en 1904 après des études au séminaire, il participe à la révolution de 1917 et devient Commissaire aux Nationalités. Il obtient la direction du Parti bolchevique en 1922, malgré les réticences de Lénine. Après la mort de celui-ci, il élimine successivement tous ses rivaux, en particulier Trotski, et entame la collectivisation de l’économie soviétique. Face à l’invasion allemande de 1941, il se rapproche de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis avec lesquels il conclut la Grande Alliance. Après la victoire de 1945, il renforce son pouvoir par un culte de la personnalité porté à son paroxysme et une nouvelle série de purges et de déportations massives.

 

Truman, Harry (1884-1972)

Vice-président des Etats-Unis, il succède à Roosevelt à la mort de celui-ci en 1945. Il prend la décision de lancer une bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945 pour terminer la guerre avec le Japon. Méfiant devant la politique de Staline, il définit le containment et organise le bloc américain à partir de 1947. Réélu en 1948, il lance une politique de réformes, le Fair Deal, sans beaucoup de succès.

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