Sujet 9. Composition : « Les Etats-Unis et le monde depuis les "14 points" du président Wilson (1918) »
Présentation. Les Etats-Unis, nés au XVIIIe siècle, à la faveur de la guerre d’Indépendance remportée contre l’Angleterre (1776-1783), sont devenus une puissance économique au XIXe siècle et une puissance politique au XXe siècle. Aujourd’hui, au XXIe siècle, les Etats-Unis forment, avec la Chine, l’un des deux pôles du système mondial. On sait que la Chine, pays plurimillénaire, est devenue en 2010, derrière les Etats-Unis, la 2e puissance économique mondiale. On sait aussi que cette dictature, qui a bâti sa puissance en dehors de tout conflit mondial, sans nourrir l’ambition d’exporter son modèle partout dans le monde, est devenue une puissance politique avant d’être une puissance économique.
Problématique. Qu’en est-il des Etats-Unis ? Comment, depuis la fin de la Première Guerre mondiale (1918) et les "14 points" du président Wilson, les Etats-Unis sont-ils parvenus à imposer leur domination sur le monde ? Selon quel rythme et sous quelle forme ?
Plan. La puissance américaine ne s’est pas déployée brutalement. Elle s’est affirmée progressivement au gré des événements : d’abord, au terme des deux guerres mondiales, qui voient naître une grande puissance ; ensuite, pendant la Guerre froide, qui enfante une superpuissance ; enfin, après la Guerre froide, qui accouche d’une hyperpuissance.
DEVELOPPEMENTS
[I] Au terme des deux guerres mondiales, les Etats-Unis deviennent une grande puissance. Ce sont, en effet, les deux guerres mondiales qui forcent les Etats-Unis, volontiers isolationnistes jusqu’alors, à s’intéresser aux affaires du monde, et encore non sans réserve comme en témoignent les trois périodes qui se succèdent lors de : la Première Guerre mondiale, l’entre-deux-guerres et la Seconde Guerre mondiale.
[A] En 1914, la Première Guerre mondiale a beau embraser l’Europe puis le monde, les Etats-Unis, respectueux de leur doctrine Monroe, restent à l’écart du conflit, invoquant leur neutralité, fondement de leur politique isolationniste. En 1917, toutefois, en réponse aux attaques des sous-marins allemands qui torpillent les navires marchands américains, le président Wilson fait entrer son pays dans la guerre. L’année suivante, en janvier 1918, Wilson, désireux d’imposer au Vieux Monde de nouveaux principes, propose l’adoption d’un programme en 14 points. Selon celui-ci, vainqueurs et vaincus sont priés de s’entendre pour donner naissance au tout premier organe de la paix, la SDN, ancêtre de l’ONU, créée pour imposer aux Etats le règlement pacifique de leurs conflits. C’est dans ce contexte que, en janvier 1919, deux mois après la fin de la Grande Guerre, Wilson arrive à Paris pour diriger la Conférence de la paix et faire adopter son programme en 14 points. Toutefois, si la SDN est bel et bien créée par le traité de Versailles le 28 juin 1919, le Sénat américain désavoue Wilson en 1920 et refuse par là même de rejoindre la SDN. La même année, Wilson, sanctionné pour avoir tourné le dos à la doctrine Monroe et à l’isolationnisme, est battu à l’élection présidentielle par son adversaire républicain, Harding, élu sur le slogan : « America First ». C’est la preuve que, au sortir de la Grande Guerre, les Etats-Unis, face à des Européens affaiblis, ne sont pas encore prêts à assumer les importantes responsabilités internationales que leur confère leur nouveau statut de 1re puissance économique mondiale.
[B] Dans l’entre-deux-guerres, le retour des républicains au pouvoir en 1920, avec l’élection de Harding à la Maison Blanche, marque le renouveau d’une politique isolationniste. Soutenus par une population pacifiste et amère face à l’ampleur des pertes américaines lors de la Première Guerre mondiale, les présidents républicains, qui succèdent à Wilson de 1920 à 1932, mènent une politique de repli, illustrée par le slogan « L’Amérique d’abord » (« America First »). Cet isolationnisme, cependant, est plus apparent que réel ; car les Etats-Unis ne peuvent pas rester en dehors d’une économie mondiale qu’ils dominent déjà. Leur présence est d’ores et déjà perceptible : en Amérique latine, leur « arrière-cour » ; au Moyen-Orient, pour le pétrole ; et même en Europe, où Washington aide Berlin à honorer ses dettes de guerre vis-à-vis de Londres et Paris. La crise de 1929, toutefois, provoquée par le krach boursier de Wall Street, encourage les Etats-Unis à se retirer davantage encore des affaires du monde. Elu en 1932, le président Roosevelt, quoique wilsonien convaincu, est contraint lui aussi de mener une politique isolationniste. Les questions extérieures sont reléguées au second plan, tandis que la sortie de crise est élevée au rang de priorité nationale (New Deal). Entre 1935 et 1937, le Congrès vote ainsi plusieurs lois de neutralité, interdisant les ventes d’armes et les prêts aux pays en guerre. L’heure n’est plus à la coopération internationale.
[C] En 1939, la Seconde Guerre mondiale a beau avoir commencé, les Etats-Unis s’en tiennent officiellement à leur politique de neutralité. En réalité, dès 1939, un changement de politique est amorcé. Plusieurs lois, destinées à combattre la menace allemande et japonaise, sont adoptées : en 1939, la loi Cash and Carry ; en 1940, le principe de la conscription ; puis, en 1941, la loi du prêt-bail et la signature de la Charte de l’Atlantique entre Washington et Londres. En vérité, pourtant, le véritable tournant survient le 8 décembre 1941 lorsque, au lendemain du bombardement japonais de la base américaine de Pearl Harbor (Hawaï), le Congrès, à la demande du président Roosevelt, vote l’entrée en guerre des Etats-Unis et forme la Grande Alliance, finalement sortie victorieuse de son conflit contre l’Axe. En 1945, comme en 1918, se pose alors la question de savoir ce que les Etats-Unis vont faire de cette victoire : se replier à nouveau sur leur traditionnelle politique isolationniste ou accepter, comme le souhaitent Roosevelt et son successeur Truman, de jouer un rôle international à la hauteur de leur statut. Pas de doute cette fois-ci : après 1945 et la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis, plus puissants que jamais sur le plan économique (or), militaire (bombe atomique) et politique (ONU, FMI), renouent avec l’internationalisme wilsonien, au moment même où débute une autre guerre, la Guerre froide.
[II] Au cours de la Guerre froide, les Etats-Unis sont élevés au rang de superpuissance. C’est que, entre 1945 et 1991, les Etats-Unis et l’URSS, sortis vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, et devenus les deux seules très grandes puissances, s’efforcent d’imposer leur modèle à l’ensemble de la planète. La puissance isolationniste, qu’étaient autrefois les Etats-Unis, laisse ainsi place à une puissance interventionniste : non seulement entre 1945 et 1973, au cours de son apogée ; mais aussi entre 1973 et 1981, malgré son érosion ; puis entre 1981 et 1991, lors de sa victoire finale.
[A] Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis décident de tourner la page de l’isolationnisme et d’assumer les responsabilités que leur confère leur puissance afin d’éviter, à l’avenir, d’être plongés comme en 1917 et 1941 dans un nouveau conflit mondial. A partir de 1947, et durant plus de quarante ans, ils prennent la tête du monde libre dans la Guerre froide qui les oppose à l’URSS et ses alliés. Ainsi, tandis que, en 1947, sur le plan économique, ils lancent le plan Marshall, sur le plan militaire, dès 1948, ils multiplient les alliances avec toutes les régions du monde : Amérique latine (OEA), Europe (OTAN), Pacifique (ANZUS), Asie (OTASE) et Moyen-Orient (Pacte de Bagdad). Parfois même, pour influer davantage encore sur les affaires du monde, les Etats-Unis interviennent soit directement via l’armée (Allemagne, Corée, Vietnam), soit indirectement via la CIA (Cuba, République dominicaine, Chili). Même sur le plan culturel, la puissance américaine s’efforce de peser de tout son poids sur la scène internationale, avec la diffusion de l’American Way of Life, à l’origine de l’américanisation de tous les alliés de Washington, via Hollywood et la supériorité technologique de la plupart de ses produits.
[B] Les années 1970, toutefois, contrairement aux années 1950-1960, qui marquent leur apogée, constituent, pour les Etats-Unis, une période d’érosion. Jamais, en effet, les Etats-Unis n’ont été aussi proches de la perspective de perdre la Guerre froide : en premier lieu, du fait de la perte d’influence des états-Unis en Asie, en raison notamment de leur échec au Vietnam en 1973 et en raison aussi du renversement du shah d’Iran en 1979, « l’allié américain » dans le Golfe, victime de la révolution islamique menée par l’ayatollah Khomeiny, ennemi déclaré du « Grand Satan » ; en second lieu, du fait de l’expansion de l’influence soviétique en Asie (Cambodge), en Amérique latine (Nicaragua), en Afrique (Angola, Mozambique, éthiopie) et même en Afghanistan, après l’invasion de ce pays par l’Armée rouge en 1979. En fait, il faudra attendre le début des années 1980 et l’élection à la Maison Blanche d’un nouveau président, Ronald Reagan, pour voir à nouveau les Etats-Unis imposer leur influence à l’ensemble du monde. Selon le slogan qui fait la fortune du candidat républicain durant sa campagne, « L’Amérique est de retour » : « America is back ».
[C] Les années 1980 constituent ainsi, pour les Etats-Unis, le temps de la victoire. Cette victoire doit naturellement beaucoup à Reagan qui, dès sa prise de fonction en 1981, fait de la lutte contre « l’empire du mal » la priorité absolue : il accroît les dépenses militaires, répond systématiquement aux actions soviétiques et, avec l’initiative de défense stratégique (IDS), relance la course aux armements dans un domaine où il sait que l’URSS n’a plus les moyens financiers et technologiques de les suivre. Mais cette victoire américaine doit aussi beaucoup à l’arrivée à la tête du Kremlin d’un nouvel hôte : Mikhaïl Gorbatchev, conscient de l’échec de l’expérience communiste dans le monde et partisan d’un rapprochement avec les Etats-Unis. Telle est du reste pourquoi, en 1991, l’URSS est dissoute, l’expérience communiste achevée et la Guerre froide terminée. Une période prend fin, tandis qu’une nouvelle ère prend forme : l’après Guerre froide.
[III] La période de l’après Guerre froide fait des Etats-Unis une hyperpuissance. Depuis la fin de la Guerre froide, en effet, marquée par la défaite de l’URSS et la victoire des Etats-Unis, ceux-ci, faute de rival, ne sont plus seulement une superpuissance, mais, selon l’expression d’Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, une hyperpuissance. Précisément, depuis les années 1990 jusqu’à nos jours, deux périodes se succèdent : la première, comprise entre 1991 et 2009, s’inscrit dans un monde unipolaire, à l’intérieur duquel les Etats-Unis jouent seuls le rôle de « gendarme du monde » ; la seconde, à l’œuvre depuis 2009, s’inscrit dans un monde multipolaire, à l’intérieur duquel les Etats-Unis, sans renoncer à leur statut de 1re puissance mondiale, partagent du moins le fardeau de la sécurité collective avec d’autres nations.
[A] Un monde unipolaire, par opposition à un monde bipolaire, tel celui de la Guerre froide, est un monde au sein duquel la domination planétaire est aux mains d’une seule grande puissance : en l’espèce, les Etats-Unis. Au cours de ces deux décennies, pourtant, les Etats-Unis changent de stratégie dans le rapport qu’ils entretiennent au monde. Entre 1991 et 2001, c’est-à-dire entre la guerre du Golfe et les attentats du 11 septembre, les Etats-Unis pratiquent ce que l’on appelle le multilatéralisme. Ils prennent soin, avant toute intervention militaire extérieure, de recevoir l’autorisation de l’ONU. C’est ce qui se passe : en 1991, lors de la guerre du Golfe ; en 1993, en Somalie et au Proche-Orient ; en 1995, en ex-Yougoslavie ; et, en 1999, au Kosovo. Entre 2001 et 2009, en revanche, sous la présidence de George W. Bush, les Etats-Unis pratiquent l’unilatéralisme. Ils ne prennent plus la précaution, avant toute intervention militaire extérieure, de solliciter un vote favorable de l’ONU. Ce n’est certes pas ce qui se passe en 2001, au lendemain des attentats du 11 septembre, lorsque les Etats-Unis interviennent en Afghanistan pour renverser le régime islamiste des Talibans, accusé de s’être rendu complice du groupe terroriste Al-Qaïda d’Oussama Bel Laden : en la circonstance, les Etats-Unis reçoivent bien l’autorisation de l’ONU. Mais c’est ce qui se passe en 2003 lorsque les Etats-Unis interviennent en Irak pour renverser le dictateur Saddam Hussein, accusé de concevoir secrètement l’arme atomique et de financer le terrorisme international : cette fois-ci, les Etats-Unis, sachant qu’ils n’obtiendraient pas l’autorisation de l’ONU, se lancent dans une deuxième guerre du Golfe sans consulter la communauté internationale. Voilà pourquoi, depuis 2003, et la guerre en Irak, l’hyperpuissance est de plus en plus critiquée et la légitimité de son action parfois remise en cause. Des pays comme l’Allemagne et la France, mais aussi des puissances émergentes, telles la Chine, la Russie et le Brésil, s’opposent, depuis cette époque, de plus en plus ouvertement au monde unipolaire défendue par les états-Unis et plaident, à l’inverse, en faveur de la construction d’un monde multipolaire, dans lequel la gouvernance mondiale ne serait pas détenue par les seuls Américains, mais par une communauté d’Etats. Ce serait là, pour les Etats-Unis, le moyen le plus sage de contenir les critiques et, pour la communauté internationale, de la confronter à ses responsabilités.
[B] En 2009, l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche, et sa réélection en 2013, ont pour effet d’infléchir la politique internationale des Etats-Unis. Rare des sénateurs à avoir condamné l’intervention américaine en Irak (2003), conscient du discrédit qui affecte son pays dans une partie du monde, et aussi confronté à une grave crise économique depuis 2007, le premier président noir des Etats-Unis se laisse convaincre de la nécessité de favoriser l’émergence d’un monde multipolaire plutôt qu’unipolaire, fondé sur le multilatéralisme plutôt que sur l’unilatéralisme. Les Etats-Unis, en effet, ont beau demeurer la 1re puissance mondiale, ils ne peuvent plus ignorer les critiques de leurs alliés européens et encore moins celles formulées par les BRICS. Pour autant, sous l’ère Obama, les Etats-Unis ne renoncent nullement à leur leadership sur le monde. Tout au plus changent-ils de stratégie. Ainsi, à l’initiative de Barack Obama, le Hard Power (force militaire) et les interventions directes (armée américaine) laissent seulement place au Soft Power (diffusion du modèle culturel) et aux interventions indirectes (soutien aux mouvements locaux). La présidence de Barack Obama ne constitue donc en rien un renoncement à la tentation américaine de domination mondiale. La vocation universaliste des Etats-Unis est intacte, seule sa stratégie pour y parvenir a été reconsidérée.
CONCLUSION
Fermeture. Les Etats-Unis, devenus une puissance économique au XIXe siècle, une puissance politique au XXe siècle, ont affirmé leur puissance progressivement au gré des événements : d’abord, au terme des deux guerres mondiales, qui ont vu naître une grande puissance ; ensuite, pendant la Guerre froide, qui a enfanté une superpuissance ; enfin, après la Guerre froide, qui a accouché d’une hyperpuissance.
Ouverture. Les Etats-Unis demeurent-ils cependant, aujourd’hui encore, une hyperpuissance ? L’émergence d’un monde multipolaire, depuis le début du XXIe siècle, n’a-t-elle pas eu pour conséquence de ravaler les Etats-Unis à leur ancien rang de grande puissance ?
A - Une politique interventionniste éphémère à la fin de la Première Guerre mondiale
B - Une politique isolationniste pendant l’entre-deux-guerres
C - Une politique interventionniste après le début de la Seconde Guerre mondiale
A - Une politique interventionniste à son apogée (1945-1973)
B - Une politique interventionniste en voie d’érosion (1973-1981)
C - Une politique interventionniste victorieuse (1981-1991)
A - Une politique interventionniste de plus en plus brutale (1991-2009)
B - Une politique interventionniste de plus en plus discrète (2009-2017)