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Sujet 5. Etude de deux documents : « La doctrine Truman et la doctrine Jdanov (1947)»

22 Août 2017 , Rédigé par Laurent Boscher Publié dans #1. SUJETS CORRIGES

Sujet 5. Etude de deux documents : « La doctrine Truman et la doctrine Jdanov (1947)»
INTRODUCTION

Présentation. La Guerre froide (1947-1991) n’est pas seulement un conflit militaire opposant deux puissances et leurs alliés, le bloc de l’Ouest des Etats-Unis contre le bloc de l’Est de l’URSS. Elle est aussi un conflit idéologique opposant deux visions différentes du monde, la vision capitaliste et la vision communiste. Les deux documents, objet de cette étude, sont deux extraits de discours prononcés en 1947, au moment où débute la Guerre froide. Le premier, connu sous le nom de « doctrine Truman », est prononcé le 12 mars, devant le Congrès américain, par le président des Etats-Unis Harry Truman. Le second, connu sous le nom de « doctrine Jdanov », est prononcé le 22 septembre, devant les responsables de tous les partis communistes européens, par le chef du PCUS Andreï Jdanov.

Problématique. Que disent ces deux doctrines ? Quelles en sont leurs limites ?

Plan. Ces deux doctrines, qui proposent deux grilles de lecture antinomiques du monde, s’opposent en tout point : la « doctrine Truman » affirme que le « camp du mal » est le camp soviétique ; alors que la « doctrine Jdanov » prétend au contraire que le « camp du mal » est le camp américain ; dans les deux cas, cependant, il s’agit de doctrines de propagande.

 

DEVELOPPEMENTS

[I] La doctrine Truman est articulée autour de trois idées principales : la défense du modèle américain ; la critique du modèle soviétique ; et, enfin, les moyens de lutter contre la diffusion du modèle soviétique.

[A] Dans son discours du 12 mars 1947, le président des Etats-Unis Harry Truman prend la défense du modèle américain. Selon lui, « le [modèle américain] repose sur la volonté de la majorité ». Il est donc, conformément aux accords de Yalta (1945), une démocratie, puisqu’« il est caractérisé par [...] des élections libres [...] et l’absence de toute oppression politique ».

[B] A l’inverse, le discours de Truman est une critique du modèle soviétique. Selon lui, « le [modèle soviétique] repose sur la volonté d’une minorité imposée par la force à la majorité ». Il est donc, en violation des accords de Yalta (1945), une dictature, puisqu’« il s’appuie sur la terreur et l’oppression ». Plus grave, dans tous les pays d’Europe de l’Est libérés du nazisme par l’Armée rouge, « des régimes totalitaires ont été imposés contre leur volonté aux peuples d’un certain nombre d’Etats » : Truman cite notamment la Pologne, la Roumanie et la Bulgarie, trois pays convertis au communisme contre leur volonté.

[C] Précisément, les Etats-Unis, soucieux de faire respecter les accords de Yalta, qui prévoyaient partout en Europe le remplacement des dictatures par des démocraties, refusent l’idée de voir des dictatures nazies remplacées par des dictatures communistes. Truman propose donc aux pays menacés par le communisme les moyens de lutter contre la diffusion du modèle soviétique : « Je crois, dit le président américain, que nous devons aider tous les peuples libres à déterminer eux-mêmes leur destin. » Cette aide aux peuples libres, précise Truman, doit être économique plutôt que militaire : « Ce que j’entends par un tel soutien, dit-il, c’est essentiellement une aide économique et financière [...]. » Trois mois plus tard, le 5 juin 1947, la promesse d’une aide économique devient une réalité sous le nom de plan Marshall : 13 milliards de dollars seront versés à tous les pays européens disposés à lutter contre l’expansion du communisme. Tous les pays de l’Europe de l’Ouest, libérés par les Etats-Unis en 1945, accepteront ; tous ceux d’Europe de l’Est, libérés par l’URSS, qui exercent déjà son emprise sur ces derniers, refuseront (parce qu’ils n’ont pas d’autre choix).

[Transition] En 1947, en Europe, deux camps viennent ainsi de se constituer : à l’Ouest, les pays alliés aux Etats-Unis ; à l’Est, les pays alliés à l’URSS. Cette bipolarisation de l’Europe, et bientôt du monde, est accentuée au mois de septembre suivant, avec la doctrine Jdanov.

[II] La doctrine Jdanov, qui est une réponse à la doctrine Truman, est, comme celle-ci, articulée autour de trois idées principales : la défense du modèle soviétique ; la critique du modèle américain ; et, enfin, les moyens de lutter contre la diffusion du modèle américain.

[A] Dans son discours du 22 septembre 1947, le chef du PCUS Andreï Jdanov, éminence grise de Staline, prend la défense du modèle soviétique. Selon lui, l’URSS incarne « le camp de la démocratie nouvelle », la seule vraie démocratie, la démocratie populaire, celle qui garantit l’égalité entre tous les citoyens, contrairement à l’ancienne démocratie, la fausse démocratie, la démocratie libérale, celle qui s’accommode des inégalités entre citoyens riches (bourgeois) et citoyens pauvres (prolétaires). C’est ce modèle communiste de « démocratie nouvelle » que Jdanov entend diffuser partout dans le monde. L’URSS, pour cette raison, incarne donc le « camp du bien ».

[B] A l’inverse, le discours de Jdanov est une critique du modèle américain. Selon lui, en effet, le modèle américain est à la fois « impérialiste et antidémocratique ». Impérialiste, parce que les Etats-Unis soutiennent « les pays possesseurs de colonies, tels que la Belgique et la Hollande », mais aussi « l’Angleterre et la France », au lieu de les combattre au nom de l’égalité entre les peuples. Antidémocratique, parce que les Etats-Unis eux-mêmes, non contents de soutenir le colonialisme de leurs alliés, maintiennent également sous leur domination des régions entières de la planète, notamment « le Proche-Orient, l’Amérique du Sud, la Chine ». Les Etats-Unis, pour cette raison, incarnent donc le « camp du mal ».

[C] Précisément, l’URSS, soucieuse de faire triompher les idéaux de justice et de liberté sur tous les continents, prétend offrir aux pays victimes de l’impérialisme yankee les moyens de lutter contre la diffusion du modèle américain. Si, dans les colonies, Jdanov compte essentiellement « sur les combattants des mouvements de libération nationaux », en clair sur les partis indépendantistes, sur le Vieux Continent, « c'est aux partis communistes qu'incombe le rôle historique de se mettre à la tête de la résistance au plan américain d'asservissement de l'Europe ». Tel est, selon Jdanov, le nouvel ennemi du monde communiste : le monde capitaliste.

[Transition] La doctrine Jdanov, pourtant, comme la doctrine Truman, n’offre pas une présentation objective de la situation. Ces deux doctrines, en effet, sont deux doctrines de propagande.

[III] La doctrine Truman et la doctrine Jdanov sont deux doctrines de propagande, au sens où chacune présente son pays sous un jour excessivement flatteur, sans esprit d’objectivité ni d’impartialité.

[A] La doctrine Truman présente les Etats-Unis comme le pays de la démocratie. Cette présentation correspond-elle vraiment à la réalité ? D’un côté, c’est vrai, les Etats-Unis organisent régulièrement des élections. Deux grands partis politiques se disputent le pouvoir : à droite, le Parti républicain ; à gauche, le Parti démocrate. La liberté d’expression est également l’un des fondements du modèle américain. D’un autre côté, pourtant, la démocratie et la liberté ne valent pas pour tous : la démocratie vaut surtout pour la majorité blanche (WASP), moins pour la minorité noire victime de discriminations (dans les Etats du Sud) ; tandis que la liberté est garantie aux bons patriotes, mais pas aux communistes victimes d’une véritable « chasse aux sorcières » (maccarthysme).

[B] La doctrine Jdanov, de son côté, présente elle aussi l’URSS comme le pays de la démocratie. Cette présentation correspond-elle à la réalité ? Pas du tout. Non seulement parce qu’aucune élection (sauf truquée) n’est jamais organisée. Mais aussi parce que la liberté n’existe pas. Un seul parti politique est autorisé : le Parti communiste ; tous les autres sont interdits. La « démocratie nouvelle », dont parle Jdanov, est donc en réalité une dictature. Pour preuve : aucune critique du régime n’est permise. La censure est promise à la littérature dissidente et le Goulag ou la mort aux opposants.

 

CONCLUSION

Fermeture. La doctrine Truman, qui fait des Etats-Unis un paradis terrestre, aussi bien que la doctrine Jdanov, qui fait de l’URSS un rêve éveillé, ne correspondent pas à la réalité. Elles sont, au contraire, deux doctrines de propagande nées au début de la Guerre froide pour séduire de nouveaux alliés partout dans le monde. C’est dans ce but qu’elles profèrent des contre-vérités flatteuses tout en dissimulant des vérités embarrassantes.

Ouverture. La doctrine Truman et la doctrine Jdanov méritent-elles cependant d’être placées sur le même plan ? La doctrine Jdanov, qui cache derrière les mots une dictature sanguinaire, ne va-t-elle pas autrement plus loin dans le mensonge que la doctrine Truman, qui se contente seulement de dissimuler sous un voile pudique le visage d’une démocratie imparfaite ?

 

PLAN

 

I - La doctrine Truman

A - La défense du modèle américain

B - La critique du modèle soviétique

C - La lutte contre l’expansion communiste

II - La doctrine Jdanov

A - La défense du modèle soviétique

B - La critique du modèle américain

C - La lutte contre l’expansion capitaliste

III - Deux doctrines de propagande

A - Du côté des Etats-Unis, une démocratie imparfaite

B - Du côté de l’URSS, une dictature totalitaire

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G
La politique Américaine d'endiguement est elle devenue la doctrine TRUMAN ou ce sont deux repliques Américaine différentes ?
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L
La doctrine Truman, énoncée le 12 mars 1947, comprend un volet militaire (endiguement/containment) et un volet économique (plan Marshall). La doctrine Jdanov, formulée le 22 septembre 1947, est une réponse à la doctrine Truman, qui deux semaines plus tard donnera naissance au Kominform (5 octobre 1947). Le rôle de lui-ci ? Coordonner l'action des partis communistes européens afin de lutter contre l'influence américaine sur le Vieux Continent.
G
Donc, en fait la politique d'endiguement ainsi que le plan Marshall font partis de la doctrine Truman ? Mais la doctrine Jdanov par contre est constituée du Kominform comme réplique soviétique contre l'impérialisme, ou?
L
Disons que l'endiguement est le volet militaire de la doctrine Truman, tandis que le plan Marshall en constitue son volet économique.