Sujet 21. Composition : « La guerre d’Algérie »
Présentation. La guerre d’Algérie désigne le conflit colonial opposant, entre 1954 et 1962, la France, puissance coloniale, et l’Algérie, nation colonisée.
Problématique. Quelles sont les étapes de cette guerre coloniale franco-algérienne ? Quelles en sont les modalités ?
Plan. La guerre d’Algérie, en fait, connaît deux époques : la première, comprise entre 1954 et 1958, au temps de la IVe République, est marquée par l’escalade de la violence, rendant peu probable toute perspective de décolonisation rapide ; la seconde, comprise entre 1958 et 1962, au temps de la Ve République, est marquée par la volonté de sortir du « bourbier » algérien, rendant ainsi possible la perspective d’une décolonisation rapide.
[I] Entre 1954 et 1958, la décolonisation de l’Algérie par la France, complètement illusoire, n’est pas même envisagée. Les motifs de refus sont nombreux et l'escalade de la violence semble inéluctable.
[A] En premier lieu, parce que l’Algérie, colonisée en 1830, est la plus ancienne des colonies françaises ; les liens tissés entre la métropole et la colonie sont donc étroits. En second lieu, parce que l’Algérie, contrairement au Maroc et à la Tunisie, décolonisés en 1956, n’est pas un protectorat, mais une colonie ; l’Algérie n’est donc pas un territoire colonial, mais un département français. En troisième lieu, parce que l’Algérie, contrairement aux colonies d’Afrique noire ou d’Asie, n’est pas une colonie d’exploitation, mais une colonie de peuplement ; la décolonisation de l’Algérie reviendrait donc à rapatrier 10 % de la population totale, dans la mesure où sur les 10 millions d’habitants, 1 million sont des Européens (pieds-noirs) et 9 millions des musulmans. En quatrième et dernier lieu, parce que l’Algérie, trois fois plus grande que la France, regorge en son sous-sol saharien de gaz et de pétrole ; décoloniser l’Algérie serait donc pour la France se priver de matières premières utiles à son développement. Le 8 mai 1945, déjà, à l’occasion du jour commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale, des nationalistes algériens, rassemblés dans les villes de Sétif et Guelma, profitent des festivités pour revendiquer l’indépendance de l’Algérie. La réponse de la France à cette agitation est brutale : les manifestants sont violemment réprimés (5.000 à 6.000 morts) et la perspective d’une indépendance de l’Algérie repousser. Entre 1945 et 1954, de fait, les nationalistes algériens, confinés au silence, brillent par leur discrétion. Mais la guerre d’Indochine, en offrant la victoire aux indépendantistes contre les Français, ravive l’espoir. Cet espoir ne réside plus, comme en 1945, dans la négociation politique, qui mène à l’impasse. Il réside tout entier dans le recours à la violence. Ho Chi Minh et le Vietminh ont montré la voie. Les Algériens vont suivre le même chemin.
[B] Le 1er novembre 1954, jour de la Toussaint consacré à la célébration des morts dans le calendrier catholique, une trentaine d’attentats sont perpétrés dans toute l’Algérie. La mort de 7 personnes, 5 Européens et 2 musulmans, donne un nom à cette date : la Toussaint rouge. Celle-ci marque officiellement le début de la guerre d’Algérie, tout en faisant connaître le mouvement politique à l’origine des attentats : le Front de libération nationale (FLN), et sa branche armée (ALN), notamment dirigés par Ahmed Ben Bella. A la violence criminelle, le gouvernement français répond par la répression. En 1954, les premières compagnies de CRS investissent le territoire algérien. Très vite, cependant, Paris se rend compte de son erreur. Il ne s’agit pas d’un foyer d’agitation localisé et spontané, mais bien le début d’une insurrection dispersée et organisée. En 1955, l’armée française, après la police, prend pied en Algérie. Une fois encore, pourtant, devant l’ampleur prise par le mouvement de contestation, les effectifs militaires ne suffisent pas. En 1956, les soldats du contingent, c’est-à-dire les jeunes civils français accomplissant leur service militaire pendant 18 mois, viennent prêter main forte aux soldats professionnels. Les membres du FLN, traqués, se réfugient dans les grandes villes, au cœur des quartiers populaires, chez les habitants musulmans qui de gré ou de force accueillent les fellaghas. En 1957, pour mettre la main sur les chefs du FLN, l’armée française organise alors la « Bataille d’Alger », confié au général Massu et à ses commandos parachutistes, qui reçoivent mission de « nettoyer » la casbah d’Alger, devenue le repaire du FLN. L’opération est une réussite. Les principaux chefs sont arrêtés, le FLN est démantelé. Mais, pour parvenir à ce résultat, l’armée française, couverte par le pouvoir politique, a dû pratiquer la torture. La fin, explique-t-on, justifie les moyens : faire parler au plus vite les membres du FLN pour déjouer les attentats qui ensanglantent Alger depuis plusieurs mois. La guerre d’Algérie, surnommée la « guerre sans nom », parce que le gouvernement persiste à voir dans son intervention une simple « opération de maintien de l’ordre », devient la « guerre sale » : sale, côté algérien, en raison des attentats ; sale, côté français, en raison de la torture. Et cette guerre sale le devient un peu plus encore lorsque, en 1958, l’aviation française bombarde le village tunisien de Sakiet Sidi Youssef (75 morts), habité par des hommes, des femmes et des enfants, mais aussi par des membres du FLN, qui en ont fait leur base arrière de repli en raison de sa localisation à la frontière algéro-tunisienne.
[Transition] En 1958, la guerre d’Algérie est dans l’impasse.
[II] Entre 1958 et 1962, la décolonisation, illusoire entre 1954 et 1958, devient une réalité. De Gaulle, de retour au pouvoir, autorise, contre toute attente, l'indépendance de l'Algérie.
[A] Le tournant de la guerre d’Algérie survient le 13 mai 1958, au cours d’une journée de manifestations, bientôt surnommée la « crise du 13 mai ». Ce jour-là, à Alger, les pieds-noirs organisent une manifestation pour protester contre la prochaine investiture à la tête du gouvernement de Pierre Pflimlin, au motif que celui-ci avait fait savoir dans la presse qu’il était favorable à l’indépendance de l’Algérie. Ce 13 mai 1958, au cours de la manifestation, les Français d’Algérie scandent le nom du général de Gaulle, qui s’était retiré des affaires depuis 1946. Dans l’esprit des Français, le général de Gaulle est l’homme de la situation : celui qui, comme en 1940, lors de l’abandon du territoire national aux Allemands, saurait insuffler un esprit de « résistance » pour lutter contre les « collaborateurs », sur le point d’abdiquer face aux ennemis du FLN. Le 15 mai, le général de Gaulle accepte de revenir au pouvoir, mais à une condition : remplacer la IVe République (1946-1958) par une Ve République (1958...) afin que les pouvoirs du président de la République soient plus étendus. Cette condition satisfaite, le général prend officiellement ses fonctions le 1er juin 1958 et seulement trois jours après, le 4 juin, celui-ci organise un déplacement à Alger au cours duquel, pour remercier les pieds-noirs de leur confiance, il leur lance le célèbre « Je vous ai compris ! », laissant ainsi sous-entendre que, lui président, jamais l’Algérie n’obtiendrait son indépendance.
[B] La déception est donc à la hauteur de l’espoir lorsque les Français d’Algérie comprennent que de Gaulle, en réalité, n’a pas l’intention d’aller contre le sens de l’histoire. Pourquoi, finit-il par se laisser convaincre, mener un combat si coûteux en Algérie ? Coûteux humainement, en raison du nombre élevé de morts, coûteux politiquement, en raison des multiples condamnations de la communauté internationale envers la France, coûteux économiquement, en raison des sommes considérables investies dans la guerre, mais coûteux surtout historiquement, en raison du combat anachronique que la France mène seule contre l’Algérie et le Monde entier, qui l’encouragent à décoloniser. Le 8 janvier 1961, le général de Gaulle organise donc un référendum au cours duquel les Français, de métropole et d’Algérie, sont invités à se prononcer sur l’avenir de l’Algérie. 75 % des votants répondent favorablement à l’autodétermination de l’Algérie, 25 % défavorablement. La réaction des partisans de l’Algérie française ne se fait pas attendre. Au mois de février, une organisation terroriste d’extrême droite est créée, l’Organisation Armée Secrète (OAS), dans le but de perpétrer des attentats, en France et en Algérie, aux dépens des Français et des Algériens favorables à l’indépendance, afin de forcer le gouvernement à faire machine arrière. Le chef de l’Etat lui-même n’est pas épargné par les tentatives d’assassinat organisées par l’OAS, y compris après la fin de la guerre d’Algérie, en particulier le 22 août 1962, lors de l’attentat du Petit-Clamart, préparé par Bastien-Thiry, finalement arrêté, jugé et exécuté le 11 mars 1963. L’année 1961, qui voit naître l’OAS, est également marquée par ce qu’il est convenu d’appeler le « putsch des généraux », organisé en avril, par quatre généraux français (Challe, Jouhaud, Salan, Zeller), indisposés à l’idée d’être privés de leur victoire militaire en Algérie par un homme politique sorti de leur rang, coupable de « trahison » envers son propre camp. Mais, au terme de quatre jours, compris entre les 21 et 25 avril, la tentative de prise de pouvoir par les militaires à Alger tourne court : le « quarteron de généraux en retraite », selon l’expression méprisante de De Gaulle, est arrêté, placé aux arrêts et finalement mis à la retraite. En 1962, les partisans de l’Algérie française vaincus, plus rien ne semble barrer la route à l’indépendance. Le 18 mars, les accords de paix d’Evian, conclus entre le gouvernement français et les responsables du FLN, suspendent les combats ; le 8 avril, 90 % des Français, conviés à un nouveau référendum sur l’Algérie, répondent favorablement à l’indépendance ; tandis que, le 5 juillet, l’Algérie devient officiellement indépendante. Le FLN prend le pouvoir et Ben Bella devient le premier président de la République algérienne. La guerre d’Algérie est terminée.
Fermeture. La guerre d’Algérie, engagée dans une impasse entre 1954 et 1958, au temps de la IVe République, a finalement trouvé une issue favorable, entre 1958 et 1962, au cours des quatre premières années d’existence de la Ve République, fondée par le général de Gaulle.
Ouverture. L’Algérie, prisonnière de la France, au temps de la colonisation (1830-1962), n’est-elle pas devenue l’otage du FLN depuis son indépendance (1962...) ? La dictature politique et la crise économique qui sévissent, aujourd’hui encore, en ce pays, ne donnent-ils pas à l’indépendance un goût aussi amer que celui de la colonisation elle-même ?
A - Les raisons du refus de l’indépendance (1954)
B - L’escalade de la violence (1954-1955-1956-1957-1958)
A - Le général de Gaulle, motif d’espoir pour les partisans de l’Algérie française (1958)
B - Le général de Gaulle, source de déception pour les partisans de l’Algérie française (1959-1962)